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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

points, pour la totalité du mouvement la totalité de la ligne[1].

De quelque façon d’ailleurs que l’on se représente la connexité manifestée par l’intuition entre les indivisibles, linéaires ou superficiels, et la figure totale à deux ou à trois dimensions, il demeure que dans le maniement du calcul des indivisibles le mathématicien n’a nullement à faire intervenir l’infini sous une forme positive et métaphysique. L’essentiel de la méthode est dans la comparaison des éléments générateurs, qui permet de traiter chaque figure, plane ou solide, « in ratione omnium suorum indivisibilium collective et (si in iisdem reperiatur una quædam communis ratio) distributive ad invicem comparatorum[2] ». Si l’on fait de plus appel à la considération de leur infinité, c’est uniquement afin de ne pas avoir à tenir compte de leur nombre. L’infini serait donc pour Cavalieri une considération d’ordre négatif ; il joue dans la géométrie nouvelle le rôle d’auxiliaire que les algébristes attribuent aux racines « inexprimables » de leurs équations, sur lesquelles ils effectuent des multiplications et des divisions[3].

Le dernier mot de Cavalieri sera de séparer les problèmes techniques dont ses différentes méthodes ont apporté la solution, et les questions philosophiques sur lesquelles il peut y avoir lieu à discussion et à polémique ; il écrit avec quelque mélancolie « In his enim jurgiis, et disputationibus potius philosophicis quam geometricis mihi fere semper ægrotanti, nequaquam quod superest tempus inaniter terendum esse censeo[4] ».


Pascal et Leibniz

Ainsi c’est une légende de faire naître les recherches infinitésimales parmi les brouillards d’une métaphysique impénétrable ; au contraire, l’avènement de la géométrie de Cavalieri marque une victoire de ce qu’il faut appeler déjà l’esprit positif. Les mathémati-

  1. Ex. III, p. 199.
  2. Ex. I, p. 6.
  3. Ex. III, p. 202 : Cf. la lettre de Leibniz à Varignon publiée dans le Journal des Savants en 1702 : « Si quelqu’un n’admet point de lignes infinies et infiniment petites à la rigueur métaphysiques, il peut s’en servir sûrement comme de notions idéales, qui abrègent le raisonnement, semblables à ce que l’on appelle Racines imaginaires dans l’Analyse commune ». (Math. Schr., Ed. Gerhardt, IV, 92.)
  4. Ex. III, p. 241.