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L. BRUNSCHVICG – la pensée mathématique

gnement fourni par l’histoire est inégalement clair et précis. Ce n’est pas en tant que technique que l’arithmétique nous est présentée, c’est en tant que philosophie. Antérieurement au, pythagorisme qui est déjà une interprétation métaphysique de la science, seul le ` papyrus Rhind permettrait de saisir l’effort dépensée d’où procèdent effectivement la numération et le calcul, si l’ethnographie ne nous donnait le moyen de tourner dans une certaine mesure la difficulté.

De même, dans le plus ancien traité de géométrie auquel nous puissions nous référer, l’étude des grandeurs spatiales a perdu presque complétement la physionomie d’une science naturelle, constituée par le maniement des données de l’expérience ; elle a subi un travail d’épuration qui l’a transformée en discipline du raisonnement. Euclide est moins un géomètre qu’un professeur de logique.

Si l’étude des périodes où sont apparues l’arithmétique élémentaire et la géométrie euclidienne est condamnée à demeurer indirecte et discontinue, il n’en est pas ainsi pour la période où l’analyse s’est développée jusqu’à devenir avec Newton et avec Leibniz ; une discipline autonome. Sans doute le calcul infinitésimal a ses origines dans les spéculations des anciens ; à mesure que nous connaissons mieux les travaux d’Archimède, nous voyons plus directement comme la science grecque s’orientait vers le méthodes que les savants du XVIIe siècle devaient réinventer. Il n’en reste pas moins que c’est dans la soixantaine d’années qui sépare la Nova stereometria doliorum vinariorum de Kepler (1615) et l’échange de lettres entre Newton et Leibniz (1676), que les acquisitions essentielles ont été faites. Or ici nous possédons les écrits où les méthodes originales ont été indiquées et appliquées pour la première fois. Nous pouvons profiter d’études multiples qui ont élucidé les moments obscurs de l’histoire, qui ont aplani aussi pour les lecteurs qui ne sont pas mathématiciens de profession les difficultés techniques, et qui fournissent de solides points d’appui à l’analyse, épistémologique.

À un autre égard encore, l’étude des méthodes qui ont préludé à l’établissement du calcul infinitésimal est privilégiée. Parallèlement au développement continu de l’effort proprement intellectuel, elle manifeste la résistance tenace d’un certain dogmatisme philosophique ; de sorte qu’à chacun des progrès que la technique accomplit de Kepler ou de Cavalieri à Newton, répondra d’Anderson ou de Guldin à Berkeley la critique du réalisme qui prétend limiter au nom