Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/34

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I

La véritable preuve de l’existence de Dieu, pour Lagneau, c’est la preuve morale ou, plus exactement, fondée sur l’existence en nous de la moralité ; non pas que les autres arguments qu’il classe en arguments physiques et en arguments intellectuels soient sans valeur ; mais aucun à ses yeux n’est décisif ; ils servent d’introduction à la preuve morale dont la valeur rejaillit ensuite sur eux. Par les preuves physiques, notre esprit, considérant le monde matériel comme une réalité donnée, recherche l’explication absolue, d’une part, de sa matière (preuve cosmologique), d’autre part, de sa forme (preuve par les causes finales). Or la première de ces preuves postule que nous attribuons une réalité au monde, c’est-à-dire que nous croyons à la valeur absolue de la raison, qui pose sa réalité ; sa valeur dépend donc de la valeur des preuves intellectuelles fondées sur la valeur de la raison. La preuve physico-théologique, par laquelle nous posons Dieu comme la cause intelligente et bonne de la perfection du monde, postule également les preuves intellectuelles, puisqu’elle part de la réalité du monde. Elle suppose en outre la preuve morale, puisqu’elle suppose que nous reconnaissons dans les choses non pas seulement une réalité sensible ni même une réalité intelligible, mais une réalité en quelque sorte idéale, consistant dans leur rapport avec ce qui doit être ; elle suppose donc que nous croyons à la réalité de ce qui doit être. Enfin, ces preuves qui sont hypothétiques en ce qu’elles sont subordonnées à l’affirmation de l’existence du monde, ne concluent pas légitimement, comme l’a montré Kant, à l’existence de l’être parfait, mais seulement de l’être nécessaire. Les preuves intellectuelles tendent à établir que la foi de la raison en elle-même, c’est-à-dire que la croyance dans la valeur absolue de la connaissance repose sur la croyance en Dieu ; tels sont les arguments de Descartes. Mais tout ce qu’ils peuvent établir, c’est que l’existence de la perfection est l’objet d’une affirmation nécessaire de l’esprit, non que cette affirmation a une portée objective. L’entendement, qui est la forme de la nécessité, ne peut se justifier lui-même ; entre l’idée de justification et l’idée de nécessité, il y a, pour Lagneau, comme pour Lequier et Renouvier, contradiction. L’entendement