Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/47

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la liberté en tant qu'elle se soumet à une loi ; 3° l'absolu en tant qu'il est compris comme devenant, c'est-à-dire comme existant. Ce n'est pas le moment de développer ici ces formules: nous les retrouverons dans la suite. L'idée de Lagneau, c’est que dans l'acte moral nous saisissons l'absolu de la pensée et l'absolu de l'être. Cet acte ne consiste pas seulement à affirmer comme une pure possibilité ce qui doit être, mais à le vouloir, à se l'imposer, à le faire descendre non seulement dans son intelligence, mais dans sa nature. Cet acte implique par suite non seulement l'affirmation que la nature peut être orientée vers le bien, mais qu'elle l'est présentement. Il nous donne immédiatement, sans qu'il soit nécessaire de passer par l'intermédiaire de la croyance en un développement indéfini de la moralité, le rapport de la nature à l'absolu, de l'existence à la perfection. C'est à la même conclusion que l'on aboutit, selon Lagneau, si l'on envisage les rapports de la moralité et du bonheur. Il n'est pas prouvé que la moralité exige une récompense extérieure, et que ce soit là le fondement de la croyance en Dieu. Sans doute la croyance en l'accord de la vertu et du bonheur nous est naturelle, mais que vaut cette croyance, et ne peut-elle pas être corrigée par la réflexion ? Ne conçoit-on pas un esprit chez lequel la raison arriverait à comprendre que c'est concevoir d'une manière imparfaite la justice que de la voir dans une juste proportion de la vertu et du bonheur, du moins du bonheur en tant qu'il ne dépend pas immédiatement de la moralité ? Croire à la valeur absolue de l'acte moral, cela n'implique-t-il pas que la moralité doive se suffire à elle-même, et que le seul bonheur qui ait vraiment son prix est celui qui vient d'elle, qui ne peut manquer d'être là où elle est ? " Est-ce que, disait-il encore, la vraie perfection n'est pas celle qui trouve son bonheur dans la vertu à force de ne le lui pas demander et de compter pour rien tout le bonheur qui ne vient pas d’elle ? » Au lieu d'établir l’existence de Dieu sur une possibilité que notre nature réclame, mais que la raison ne garantit pas, pourquoi Kant ne s'est-il pas appliqué, comme il avait commencé de le faire, à réfléchir sur l'union certaine de la moralité et de la satisfaction qui l'accompagne ? Il déclare que le problème dernier et insoluble de la morale est d'expliquer comment il se fait que nous puissions trouver un intérêt sensible à l'obéissance à la loi morale. Mais cette explication, il semble qu'elle ne soit pas si loin de lui qu'il le suppose.