Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/52

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La réalité qui appartient à Dieu n'est donc pas plus l'être que l'existence, la nécessité que la contingence ; ce ne peut pas être davantage et pour la même raison l'existence et l'être réunis. Ce qui explique au contraire le besoin qu’a notre esprit de s'élever jusqu'à Dieu, c'est l’impossibilité pour lui de se satisfaire dans l'affirmation de l'existence sensible et de l'être. Il cherche la garantie de l'existence sensible dans l'être, c'est-à-dire dans la nécessité, mais outre qu'il ne la trouve jamais complètement, il n'est jamais rivé à l'affirmation du nécessaire. Quand nous affirmons une vérité, c'est-à-dire la nécessité de quelque chose, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si une telle affirmation est bien légitime. Descartes l'avait bien compris, et c'est pour résoudre cette difficulté qu'il tente de démontrer l'existence de Dieu ; mais n'est-il pas aussi impossible à la pensée de démontrer l'existence de Dieu que de tout autre être ? Au fond de cette affirmation de l'existence et de l'être, et ces deux affirmations sont elles-mêmes inséparables l'une de l'autre quoique inégalement explicites, selon les cas, est impliquée une troisième affirmation, celle de la valeur de l’acte par lequel nous affirmons l'être nécessaire de telle ou telle chose qui nous frappe, c'est-à-dire l'affirmation que notre pensée ne se trompe pas dans cette affirmation particulière ; qu'ici, comme dans tous les cas analogues, elle applique légitimement les formes qui la constituent, en tant que pensée, à une matière donnée, en un mot, que ces formes auxquelles l'acte de la connaissance a pour fonction de réduire les données sensibles, ont une valeur absolue. « La preuve que Descartes cherche à établir de l'existence de Dieu pour fonder la certitude de la valeur de la connaissance humaine, qu'est-ce autre chose qu'un effort de la raison pour justifier la nature de la pensée, de même que pour l'amener à se convaincre elle-même que quand elle fait œuvre de pensée (c'est-à-dire de réduire les données sensibles à la nécessité), à se convaincre qu'alors elle est dans le sens de la réalité ? » « La réalité absolue que nous cherchons, ce n'est donc ni l'existence, ni l'être, c'est la valeur ; ce qu'il y a de vrai dans une connaissance particulière expérimentale, ce qui en elle exprime la réalité, ce n'est pas le fait qu'elle est intelligible, encore bien moins le fait qu'elle répond à une sensation, c'est que la pensée a bien usé d'elle-même en interprétant ce qui l'a affectée ; c’est aussi et surtout que cet acte par lequel la pensée cherche à réduire les choses à elle-même, à la