Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/58

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absolue de ce qui est, et que c'est sur cette vérité absolue qu'est fondée la vérité de ce qui doit être, ou plutôt, car il est impossible que la vérité de ce qui doit être soit fondée sur la vérité de ce qui est, il faut affirmer implicitement que ces deux choses se confondent ; si elles pouvaient être parfaitement entendues, elles se confondraient. » Que sommes-nous, en réalité ? L'individualité n'est en nous que l'apparence, le phénomène. En affirmant la vérité de notre existence, nous affirmons qu'il y a un être universel duquel nous dépendons, et par cette affirmation même, nous proclamons l'erreur de l'égoïste qui rapporte tout à lui, qui se fait le centre de l'univers. Nous ne pouvons être véritablement que si nous ne sommes qu'apparences, comme individus, et si notre vraie réalité consiste dans ce qu’il y a en nous d’universel et qui se retrouve dans tous les autres. Envisageons l'idée que se font de l'homme le savant et le psychologue. La science ne nous permet pas de conclure à notre individualité ; elle fait de notre indiyidu la résultante de lois universelles, indépendantes de nous, la manifestation éphémère d'une réalité éternelle. Il n'y a donc pas d'opposition entre notre vraie nature, telle que la science la détermine, et la loi morale. Celle-ci, en nous commandant de ne pas vivre pour nous, mais pour autrui, pour ce qu'il y a en nous d'universel, nous parle le même langage que la science. La fin où elle tend est de même nature que la source d'où nous venons. On oppose à tort les lois physiques et la loi morale, en disant que celles-là sont réelles, tandis que celle-ci est idéale. Il n'y a pas de loi qui puisse être constatée, prouvée, d’une façon rigoureuse. Toute loi est idéale. Qui dit loi, du reste, dit rapport ; qui dit rapport, dit termes unis ; ces termes, ce sont les êtres, en particulier nos semblables. Or rien ne nous force d'admettre leur existence, nous ne pouvons pas la prouver : c'est par un acte de liberté que nous la posons. L'acte par lequel nous affirmons l'existence du monde extérieur est de même nature que l'acte moral. Il n'y a donc pas entre les lois physiques et la loi morale cette opposition qu'une philosophie superficielle veut y voir. Si au lieu d’envisager l'homme du dehors, du point de vue de la science, nous l'envisageons tel qu'il se manifeste à lui-même, là aussi, nous constaterons que sa vraie réalité réside dans l'être universel. L'homme, comme tout ce qui vit, est essentiellement désir. « Le désir, c'est le désir d’une certaine fin qui nécessairement n'est