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Rev. Méta. – T. XX (no 31912). 18

LES IDÉES PHILOSOPHIQUES

ET RELIGIEUSES

REMARQUES SUR LA PHILOSOPHIE DE ROUSSEAU i

Il est banal de remarquer les contradictions que présente à chaque pas l’œuvre de Rousseau. Systématique et passionné, mettant dans tout ce qu’il écrit sa personnalité puissante, instable et maladive, jaloux de forcer l’assentiment de son lecteur et de lui communiquer ses haines et ses enthousiasmes, il pousse àl’extrême chacune de ses pensées, il n’a nul souci de cette cohérence extérieure, qui s’obtient aisément en évitant les assertions tranchantes, en n’affirmant rien sans ménager quelque place à l’assertion contraire. S’ensuit-il que l’on ne puisse trouver, chez Rousseau, les éléments d’une philosophie ; que, seule, son individualité souveraine, son imagination débordante, sa sensibilité excessive, son génie propre, en un mot, s’exprime dans ses écrits ? Pour savoir si un astre qui se meut dans le ciel y suit un cours déterminé, il ne suffit pas d’observer les caprices de sa marche apparente il faut encore comparer entre elles toutes les positions qu’il traverse, et voir si ces positions n’oscilleraient pas autour d’une courbe régulière. Il semble que, si l’on considère suivant cette méthode l’oeuvre de Rousseau, en rapportant chaque détail à l’ensemble, et en négligeant les exagérations accidentelles, on en dégage, sans artifice, une véritable philosophie, d’une consistance et d’une unité très réelles.