Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 4, 1936.djvu/147

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Maïmonide fut, par la clairvoyance et le génie, un des plus grands parmi les doctrinaires du Moyen Age[1]. Quand il simplifiait et éclaircissait tant de détails, jamais on n’observe rien de hâtif dans la manière dont il s’y prend pour polir les concepts philosophiques les plus hauts. Il se défie de toute harmonie précipitée dans les suprêmes dilemmes de l’existence. Mais c’est justement pour cela que le travail de conciliation opéré par lui quand il s’agit de s’attaquer aux ultimes contrastes de la pensée a pu exercer une influence si convaincante.

Tout cela peut être prouvé par de nombreux exemples. Les Medabrim mahométans faisaient déjà avant Maïmonide les plus grands efforts pour démontrer qu’il est possible d’attribuer à Dieu des prédicats différents, sans néanmoins que ces différentes propriétés altèrent en rien l’unité absolue de l’essence divine. Mais Maïmonide considère avec raison toutes ces subtilités détaillées comme absolument insuffisantes. Il sentit manifestement que de telles tentatives pour rejeter du monde les difficultés qui s’y rencontrent par de petits essais d’apaisement n’ont rien de convaincant. Sa solution est beaucoup plus radicale et plus élémentaire. D’accord avec la « théologie négative » conséquente, il rejette tous les prédicats positifs de l’essence de Dieu. Il rejette aussi la supposition de caractères qui expriment seulement une relation, un rapport entre Dieu et une autre existence. De même encore Jehoudah Halewi, Abraham ibn Daoud et beaucoup d’autres encore n’éprouvaient pas de scrupules à admettre des attributs de relation dans la connaissance de Dieu. Mais Maïmonide n’a pas fait ici la plus petite concession dans le domaine du savoir pur.

Selon Maïmonide, le seul, l’unique Dieu dont le vrai nom n’est jamais formulable, reste toujours pour notre savoir un être que nul ne peut atteindre. Il reste placé à une telle distance, à une telle hauteur au delà, au-dessus de tous les autres êtres, que quiconque prétend comprendre scientifiquement ses attributs ne peut qu’être victime d’une désespérante illusion.

Nous demeurons nécessairement, avec tous nos discours sur

  1. Voir aussi Isaak Heinemann : « Maimuni und die arabischen Einheitslelher », Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums, 1935, Heft 2 ; Heinemann essaie ici de montrer même une certaine relation entre les simplifications dans les doctrines de Maïmonide et les tendances du mouvement des Almohades fanatiques.