Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 6, 1914.djvu/122

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La séparation du sacré et du profane est maintenue par le culte. — Ce culte négatif enseigne, moyennant jeûnes, veilles, douleurs infligées, retraites, silences prolongés, que pour participer aux choses sacrées il faut dépouiller le vieil homme et acquérir ainsi des propriétés, des forces nouvelles. Par le culte positif, l’homme est mis sous l’influence des forces qui rayonnent des objets sacrés où elles étaient contenues comme des réserves permanentes, pour ainsi dire. Et si l’homme est soutenu par le culte, l’être totémique de son côté en est nourri. Nous sommes en présence d’une sorte de sacrement où communion où l’homme reçoit la puissance sacrée et contribue en même temps par ses sacrifices à l’affermissement et à l’accroissement de cette puissance. Le besoin, qu’ont les hommes d’être secourus et réconfortés s’explique par leur dépendance des phénomènes naturels. La vie de la nature présente des variations, des hausses et des baisses de force et de fécondité, et l’homme éprouve, le désir de sentir augmenter sa confiance dans la nature, tout en croyant d’autre part qu’il est en lui de prêter son secours à cette même nature par l’observation rigoureuse des pratiques religieuses.

Sous l’antithèse des choses sacrées et profanes se cache, d’après M. Durkheim le contraste qui existe entre la société et l’individu. La notion de totem est d’origine sociale ; elle exprime la solidarité de l’homme et du clan, et celle qui relie les gens du, clan à certains êtres ou choses matérielles. Ce n’est donc pas la crainte que nous trouvons à la base.de la division des choses en sacrées et en profanes, c’est au contraire une adhésion confiante et, à son apogée, fervente, à ce qui peut donner le salut et la sécurité, et c’est aussi cette conviction qu’en dehors du clan il n’y a ni salut ni sécurité. L’hypothèse fondamentale du culte totémique, c’est qu’il y a un fonds de pouvoir auquel les individus sont à même de puiser des forces nouvelles pendant leur lutte pour l’existence, fonds qu’ils peuvent de leur côté contribuer à conserver et à augmenter. Le totémisme et les mythes et symboles qui S’y rattachent, ne sont donc pas des jeux d’associations d’idées et d’hallucinations. Évidemment la religion prend sa source dans des régions de la vie psychique qui ne relèvent pas du domaine purement intellectuel. En se dévouant aux choses sacrées, en observant les rites, l’homme se sent en rapport avec quelque chose dont la portée dépasse de beaucoup l’existence de tel individu ou de telle génération. Dans la plus primitive des