Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1912.djvu/21

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simple apparition du phénomène de conscience dans un univers constant suffirait à détruire cette constance. De son côté, l’éternel des idéalistes post-kantiens, de Hegel à Green, à Howison et à MacTaggart, ne peut soutenir de relations avec le devenir dans le temps. En somme, le refuge des « éternalistes » de toute école, est nécessairement l’illusionnisme, la doctrine de Maya ; mais l’éternalisme n’est pas pour la philanthropie un point d’arrêt définitif ; c’est plutôt la caractéristique des « métaphysiques adolescentes » et l’auteur incline, avec Schiller, à penser que la philosophie de l’avenir en viendra à reconnaître en temps une manière de réalité.

C. M. Bakewell : Idéalisme et réalisme. — La plupart des accusations portées contre l’idéalisme proviennent de ce qu’on lui prête des absurdités dont il n’est pas responsable. Il est vrai que la formule de Berkeley : esse est percipi est fâcheuse ; elle tend à faire croire que l’idéaliste identifie les choses avec les perceptions qu’il en a. Cette formule doit être entendue avec le sens que lui attribuait son auteur, comme une arme de guerre contre le matérialisme. En réalité c’est ce matérialisme qui, posant hors du sujet les perceptions comme des réalités, constitue un véritable subjectivisme. En fait, l’idéalisme et le réalisme modernes sont beaucoup moins distants que l’idéalisme de Berkeley et le réalisme matérialiste. L’idéalisme moderne ne conteste nullement la distinction du subjectif et de l’objectif, du physique et du moral ; le réalisme ne conteste pas que le réel soit susceptible d’expérience et intelligible. Néanmoins une conciliation complète des deux tendances semble actuellement impossible ; l’idéalisme tend toujours à atteindre une réalité subjacente aux phénomènes, que l’expérience n’atteint pas, et qu’il interprète en terme de raison sous le nom d’idée.

Oscar Ewald : La philosophie allemande en 1908. — Cet intéressant exposé, qui fait suite à celui de l’année précédente, prend pour point de départ le Congrès de Heidelberg. D’une manière générale, la spéculation allemande accuse un retour notable à l’idéalisme et l’on peut retrouver chez les contemporains une reprise des principales directions idéalistes post-kantiennes : Münsterberg et Cohn renouvellent le fichtéisme, Eucken et Simmel rajeunissent l’hégélianisme, l’école de Hartmann atteste l’influence de Schelling ; enfin le néo-romantisme, avec Joël, se présente, ainsi que son aîné comme une philosophie de l’intuition. En revanche, le naturalisme biologique est en déclin marqué, encore que le gnosticisme soit représenté par des penseurs éminents, tels que Gomperz.

N° 6. — Victor Delbos : Les travaux français d’histoire de la philosophie en 1907 et 1908. — L’auteur s’est attaché à fixer les résultats acquis par les travaux historiques des deux années considérées. Après avoir analysé les importants travaux sur la philosophie ancienne de Brochard, Hamelin, Rodier, Robin, Bréhier, il signale la rareté des travaux consacrés au moyen âge (Martin, Rousselot) et l’excellence des ouvrages relatifs à l’histoire des sciences ou de la philosophie scientifique (Duhem, Milhaud, Hennequin, Strowski, Bloch, Mentré, Berthelot). La philosophie moderne a provoqué les travaux de Brochard, Appuhn, Colonna d’Istria, Delvolvé, van Biéma, Delbos. Il est à regretter, conclut l’auteur, que l’histoire de la philosophie religieuse reste négligée au moment où la psychologie et la philosophie religieuses jouissent d’un très notable regain de faveur.

Ellen Bliss Talbot : Individualité et liberté. — On affirme communément que, si l’on conteste la réalité des alternatives pratiques offertes à l’activité humaine, on ruine, par là même, l’unité et l’indépendance de la personne humaine. Ces affirmations sont-elles fondées ? En fait, l’absence d’alternatives, bien loin de compromettre l’unité de la personne, la renforce plutôt, puisqu’elle lui épargne les risques de changement, de contradiction, de discontinuité. De même de l’indépendance : entre deux actions indifférenciées, le moi n’a aucune raison suffisante pour se déterminer et doit nécessairement recevoir du dehors l’impulsion qui oriente son choix.

E. G. Spaulding : Les postulats de l’Épistémologie auto-critique (self-critical). — L’auteur propose et commente quinze postulats préalables à toute théorie critique de la connaissance.

Journal of Philosophy, Psychology, and Scientific Methods. Vol. VII, n° 19 ; vol. VIII, n° 19.

Les thèmes de discussion principaux dans le Journal of Philosophy restent toujours le pragmatisme en tant que théorie de la vérité et théorie de la conscience, la méthode de la philosophie, et le réalisme. Parmi les autres questions étudiées, on peut citer la notion de temps, l’optimisme et le pluralisme.

A. W. Moore (VIII, 403), répond d’une façon intéressante à des objections de Pratt en montrant l’opposition d’une