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car il n’est pas certain que beaucoup le suivront. Inutile de dire que l’école de M. Maurras n’a que du mépris pour l’humanitarisme, les tendances démocratiques fondées sur des conceptions de morale indépendante. Mais il est à noter qu’elle manifeste une aversion passionnée pour « le Christ intérieur des gens de la Réforme ». Le protestantisme français, si déchu qu’on l’imagine de son influence, soulève donc encore des haines : la répugnance particulière qu’il inspire à L’Action française est-elle faite pour diminuer son prestige ?

L’État et ses Agents (Étude sur le « Syndicalisme administratif » ), par Pierre Harmignie. 1 vol. in-8 de li-412 p., Louvain, Institut supér. de philosophie ; Bruxelles, Alb. Dewit ; Paris, Alcan, 1911. — Ce livre, bien renseigné, quant à la littérature, et précédé d’une abondante bibliographie, étudie d’assez près le syndicalisme administratif, ses rapports avec le mouvement ouvrier, la résistance des juristes, et du gouvernement. Il expose, en mêlant d’ailleurs un peu des tendances extrêmement variées, l’idéal syndicaliste. La faiblesse de l’ouvrage éclate lorsqu’il s’agit de critiquer. Les fonctionnaires syndicalistes y apparaissent surtout comme des révolutionnaires antipatriotes, incapables de maîtriser leurs prétentions exagérées, criant très fort contre favoritisme individuel, mais toujours avides, collectivement, de mettre le budget au pillage. Le syndicalisme, même mitigé, serait la ruine de l’État. Le mal vient d’ailleurs de ce que l’État s’est occupé de mille choses qui ne le regardaient pas. Le retour de ces services à l’industrie privée, et la moralisation par le Christ, voilà les remèdes proposés.

L’Oreille, Organe d’Orientation dans le Temps et dans l’Espace (avec 45 figures dans le texte, 3 planches hors texte et un portrait de P. Flourens, par Cyon (Elie de). 1 vol. in-8, de xiv-298 p., Paris, F. Alcan, 1911. — Après avoir rappelé les travaux de Flourens et un long exposé de l’historique de cette question à l’étude de laquelle ses propres travaux ont apporté une très importante contribution, M. de Cyon critique la théorie de Golz et de Mach qui attribue aux mouvements et aux variations de pressions de l’endolymphe dans les canaux semi-circulaires membraneux, le rôle que l’expérimentation et la clinique ont montré que ces organes jouent dans le sens de la direction ; puis il expose sa propre théorie qui attribue aux canaux semi-circulaires des fonctions suivantes :

1° Le système des canaux semi-circulaires est essentiellement un organe d’orientation dans les trois plans de l’espace ; il a pour fonction exclusive le choix des directions de l’espace dans lesquelles doivent s’accomplir les mouvements, et la coordination des centres nerveux qui règlent ces mouvements (p. 120-121).

2° Les canaux semi-circulaires forment l’organe périphérique du sens de l’espace ; les excitations des terminaisons nerveuses dans les ampoules de ces canaux provoquent des sensations qui nous permettent l’orientation dans les trois directions de l’espace ; la sensation de chaque canal correspond à l’une des directions cardinales de l’espace. À l’aide des ces sensations de direction, il se forme dans notre cerveau la représentation, d’un espace idéal à trois dimensions, sur lequel nous projetons toutes les perceptions de nos autres sens relatives à la distribution des objets qui nous entourent, ainsi qu’à la position de notre propre corps dans l’espace (p. 83). Les impressions fournies par les canaux semi-circulaires sont transmis aux centres nerveux par le nerf vestibulaire qui est le nerf de l’espace.

3° Le labyrinthe de l’oreille joue un rôle très important dans l’innervation motrice. Grâce aux excitations reçues par le nerf vestibulaire, l’organe central du sens de l’espace règle la distribution, la durée et l’intensité des forces d’innervation qui doivent recevoir les muscles des globes oculaires et du reste du corps pendant une orientation dans les trois directions principales de l’espace.

Un grand nombre d’observations ont été rassemblées, et beaucoup d’expériences instituées par M. de Cyon pour vérifier ces conceptions. C’est ainsi que viennent à l’appui de sa théorie le fait que les animaux qui n’ont que deux paires de canaux semi-circulaires ne reçoivent que les sensations provenant de deux directions et ne peuvent s’orienter que dans celles-ci (c’est le cas de la lamproie, petromyzon fluvialis) et que les animaux qui n’en possèdent qu’une seule n’éprouvent qu’une sensation de direction et ne peuvent se mouvoir et s’orienter que dans une direction, c’est le cas des souris dansantes japonaises, chez qui une malformation congénitale et héréditaire a atrophié deux des trois canaux que possèdent les souris normales.

Quant à l’orientation à distance telle qu’elle exerce chez le pigeon voyageur, l’appareil des canaux semi-circulaires n’y jouerait, suivant M. de Cyon qui a institué à ce sujet d’intéressantes expériences, qu’un rôle banal. L’orientation à