Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1908.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

conception morale, la puissance supérieure étant conçue comme un guide, – et une transmutation mystique : apothéose de l’âme, transformation de l’homme en Dieu par la vie spirituelle.

Quelles sont les origines de ces deux conceptions ? L’idée de l’apothéose de l’âme a sa source dans des conceptions égyptiennes teintées d’hellénisme, qui aboutissent aux livres hermétiques. Il y a à cette époque un nouveau mysticisme dont Philon est un représentant important. – L’autre idée vient du judaïsme. Le judaïsme sert de contrepoids à ce mysticisme. Il apporte l’idée de rapports concrets et personnels entre Dieu et l’homme-Dieu est un maître et un guide. Le judaïsme agit comme modérateur.

La vie morale est donc le centre du Philonisme. L’extase n’est pas chez Philon une simple transformation de l’âme en Dieu ; le progrès ascensionnel vers Dieu est indéfini. L’activité morale est le fondement du mysticisme. Le Philonisme apporte un esprit nouveau : substituer la préoccupation unique de la perfection intérieure à la recherche désintéressée de la vérité.

M. Boutroux remercie le candidat de l’exposé très net de sa thèse. – « J’aurais voulu, au début de votre ouvrage, un chapitre sur l’état de la question et la critique de la bibliographie. — Vous considérez comme absolument nouveau l’esprit du Philonisme. Je le considère comme nouveau, mais pas absolument. Il a de nombreux antécédents. Le néant de l’homme, le stoïcisme le proclame : vous trouvez cette idée exprimée bien des fois par Sénèque. Le stoïcisme évolue vers la vie intérieure. Enfin, pour la foi, Héraclite a déjà dit : « À celui qui n’a pas la foi, il est impossible de comprendre les choses divines ». Ces idées-là sont vieilles comme le monde, et, de plus, les idées qui se trouvent chez Philon, se trouvent partout, à ce moment-là, dans l’air.

M. Rodier. Je m’associe aux éloges et aux critiques de M. Boutroux. Vous avez choisi un auteur récent, ce qui forçait à connaître toute l’histoire antérieure. Il y a des omissions dans votre bibliographie : vous omettez de citer certains livres, tels que l’Histoire de l’École d’Alexandrie de Vacherot.

L’idée de votre travail, c’est que Philon n’est pas un spéculatif, méprise la science comme n’étant d’aucune utilité pour le salut et le progrès moral, que le monde intelligible est inaccessible à notre esprit. Ce qui l’intéresse, c’est la morale, c’est la forme religieuse de la morale. C’est là l’originalité de Philon. Je conteste cette originalité de Philon. Et ce que vous soutenez là n’est pas non plus original. On le trouve dans Zeller. Pourquoi avez-vous écrit votre thèse pour arriver au même résultat que Zeller ?

M. Bréhier. Parce que j’ai cru qu’il n’était pas inutile d’établir cela par une nouvelle lecture des textes de Philon et de prouver avec de plus amples développements ce que Zeller n’avait pu qu’exposer brièvement ?

M. Rodier. Venons-en à l’originalité de Philon. Les Esséniens avaient eu les mêmes préoccupations morales que Philon. Mais passons. On trouve chez Plutarque la même prépondérance de l’élément moral et religieux. L’originalité de Philon se trouve donc bien amoindrie. La façon dont vous interprétez Philon est vraie, banale même, et pourtant exagérée. Par exemple, le mépris de Philon pour la science. Le culte qu’il faut rendre à Dieu, selon Philon, est rationnel. Philon réserve ses critiques au mauvais usage de la science : mais c’est aussi l’opinion d’Aristote.

M. Bréhier. Aristote faisait de la recherche désintéressée de la vérité le but de la philosophie ; c’est ce que ne fait pas Philon.

M. Rodier. J’arrive à vos intermédiaires entre le monde et Dieu. Les puissances divines sont des échelons qui servent à l’âme humaine dans son ascension vers Dieu. L’homme peut monter jusqu’au










Xôy « ;. H me semble en outre que les puissances divines jouent aussi le rôle de principes d’explication. Le Xdyoç est l’instrument par lequel Dieu fait les idées, c’est un instrument de création cosmique. La création et l’explication du monde ne lui sont pas aussi indifférentes que vous sembtez le croirai Vous dites Se monde, n’étant 1 pas un intermédiaire, ne peut être explique par les intermédiaires. Mais c’est du Platon, et irez-vous dire pour cela que Platon n’est pas rationaliste ? M. Brêhier. Je crois que Philon a admis 7 les intermédiaires aussi à titre explicatif. Mais je dis que ce n’est pas leur rôle principal, et la preuve, c’est que chez lui les intermédiaires changent constamment. M. Rodier. Selon vous, Philon ne fait" pas usage de l’interprétation allégorique comme les stoïciens. Avant lui, l’allégorie était physique les dieux représentent des événements ou des éléments cosmiques (terre, feu, mouvements des astres).). Pour Philon, les testes sacrés représentent l’histoire de l’âme Jacob, Joseph représentent des facultés. Ceci me semble en opposition avec des textes il y a des allégories physiques chez Philon, D’autre