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avant tout la mettre en relief.

L’Action criminelle, par Henri Urtin, 1 vol. in-8 de 268 p., de la Bibliothèque de Philosophie contemporaine, Paris, Alcan, 1911. – Ce livre fait naître plus d’une déception. Parti d’une définition toute sociologique du crime, empruntée à M. Durkheim, l’auteur aboutit à toute une théorie personnelle de la criminalité où se mêlent la psychologie de M. Blondel et celle de M. Bergson. Désireux, semble-t-il, au début, de demander à la sociologie universelle une notion exacte de l’action criminelle, il n’arrive pas même à une étude objective et méthodique des documents que l’observation ou la littérature spéciale pourraient lui fournir. — La thèse générale de M. Urtin prend le contre-pied de l’idée dominante aujourd’hui. Il ne faudrait pas considérer l’homme criminel, mais uniquement l’action criminelle. L’action criminelle à toujours pour cause profonde une rupture d’équilibre entre les facultés du sujet (en général hypertrophie de la partie la plus faible de sa nature psychique) ou entre le sujet et le milieu social. Le remède essentiel est donc l’adaptation du sujet au milieu, particulièrement grâce à l’association qui socialise l’individu, l’habitue à la discipline, favorise l’imitation sociale et la sympathie sociale. — Mais quelles associations sont les plus aptes à jouer ce rôle ? L’auteur ne sort guère d’une louange très générale des vertus de l’association. Un peu de précision n’apparaît que lorsqu’il étudie, comme remède aux « crimes supérieurs » (religieux, politiques, sociaux), les rapports que l’État doit entretenir avec les associations totales (religieuses, philosophiques).

Récit de ma Conversion, par Judas de Cologne. Introduction et notes par A. de Gourlet. 1 vol. in-16 de 64 p., Paris, Bloud. 1912. — Judas de Cologne qui de Juif se fit chrétien, entre 1120 et 1128 et devint moine chez les Prémontrés en Westphalie, écrivit en 1134 un curieux récit de sa conversion. Le texte qui en fut publié dès le xviie siècle se trouve contenu dans le volume 170 de la Patrologie latine de Migne ; le présent opuscule en apporte une traduction précédée d’une brève introduction. L’auteur semble avoir poursuivi ce travail dans un esprit d’édification et d’apologétique plutôt que de critique historique. Le récit du Prémontré lui semble avoir des accents déchirants et il trouve juste qu’on l’ait comparé aux Confessions de saint Augustin. Nous ne relèverions pas ce point s’il ne nous semblait impliquer quelque méconnaissance du caractère vrai de ce récit et de ce qui en fait peut-être le véritable intérêt. Il nous est extrêmement difficile, au contraire, de trouver dans la confession de Judas de Cologne des accents vraiment chrétiens. Cet esprit entraîné aux discussions de la théologie rabbinique n’abandonne pas un instant la méthode de ses coreligionnaires. Non content de s’appuyer sur l’Ancien Testament, il veut encore un songe révélateur comme Daniel, et fidèle en cela à la mentalité d’Israël, il passe au christianisme parce qu’il le voit triomphant alors que les Juifs sont abandonnés de Dieu, parce qu’enfin le Dieu des Chrétiens le délivre de ses ennemis. Ce fut un homme hanté par le besoin du signe sensible et qui vint à l’Évangile en Juif qu’il était et devait toujours demeurer. Quelle que soit d’ailleurs l’interprétation qu’il convienne de donner à cet opuscule, la traduction qu’on nous en offre facilitera assurément l’accès et l’utilisation d’un document intéressant pour l’histoire de la pensée médiévale.

Condillac, par Jean Didier. 1 vol. in-16, 64 p., Paris, 1911, chez Bloud. –

L’étude que M. Didier, consacre à Condillac est, sous une forme abrégée, fort complète pourtant et précise. M. Didier s’est efforcé de montrer l’unité et l’homogénéité de la pensée de Condillac, à travers ses élargissements successifs, et de faire justice de certaines accusations traditionnelles formulées contre ce philosophe. Il le défend, non peut-être avec une entière impartialité, d’être un pur sensualiste, et voit dans son positivisme idéaliste une doctrine qui prépare à la fois Kant et Auguste Comte.

Après une brève biographie, l’auteur aborde, successivement l’analyse de l’entendement, — la perception des corps et les rapports de l’âme et du corps — la méthode analytique, — le nominalisme, — l’histoire de l’esprit humain. Il a considéré à juste titre l’Essai sur l’origine comme la principale œuvre de Condillac, et comme renfermant implicitement toute sa philosophie postérieure. L’analyse de l’entendement expose assez longuement — et sans originalité bien marquée, — la théorie de la sensation transformée. Mais la définition de la méthode analytique, telle que la comprend M. Didier, ne nous paraît pas faire à l’empirisme de Condillac une place suffisante. La recherche et le souci, constant chez lui, du fait objectif, sont insuffisamment mis en lumière. En outre le Cours d’Études contient des remarques et une théorie de l’origine du droit sur lesquelles M. Didier