Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1914.djvu/3

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guant qu’il s’agissait là non de maladies organiques, mais de névroses, de pseudo-tuberculoses hystériques, ne saurait plus être invoquée. D’après les conceptions modernes de l’hystérie, on n’admet plus en effet que cette maladie puisse se manifester par des symptômes analogues à ceux qu’on observe dans les formes pulmonaires ou viscérales de la tuberculose. D’autre part les guérisons observées se produisent « dans des conditions de rapidité qui les différencient nettement de celles qui sont d’observation courante ». Par suite, il faut conclure que « de nouvelles recherches sont nécessaires sur ce point et qu’il est à souhaiter qu’on y apporte une étude plus attentive ».

Quand on examine de près le travail de Mlle Bon, on constate que toutes les observations sur lesquelles elle s’appuie sont de seconde main : aucune n’est personnelle, et c’est évidemment pour un travail qui se prétend expérimental une base peu solide. Il ne semble pas que l’auteur ait même jamais été à Lourdes. C’est donc plutôt un travail historique qu’une étude médicale proprement dite, mais l’on aurait souhaité alors que l’auteur y appliquât plus souvent la science de la critique des témoignages. L’idée centrale de la thèse, qui n’est jamais exprimée explicitement, c’est que les miracles de Lourdes sont réels ; mais il est naturel qu’on soit beaucoup plus exigeant, lorsqu’il s’agit de faire la preuve d’un miracle, que lorsqu’il s’agit de démontrer tel ou tel point secondaire de pathologie ou de thérapeutique. Et l’on s’étonne qu’on ne cherche pas à nous apporter des preuves plus convaincantes. Par exemple, un médecin affirme qu’il « a constaté la formation, entre un espace de quarante-huit heures, de la soudure de deux fragments d’os, qui jusque-là, n’étaient réunis par rien ». Pourquoi dans ce cas ne pas apporter le document qui fermerait la bouche à tous les sceptiques, deux radiographies dont la date serait certifiée ? D’autre part, s’il y a des guérisons surprenantes à Lourdes, il y en a aussi en dehors de Lourdes : il aurait fallu démontrer qu’il y a à Lourdes une proportion beaucoup plus considérable qu’ailleurs de faits inexplicables dans l’état actuel de la science. C’est ce que n’a pas fait Mlle Bon.

Les Inconnus de la Biologie Déterministe, par A. de Gramont-Lesparre. 1 vol. in-8, de 293 p., Paris, Alcan, 1914. — Le titre de ce livre est assez malheureusement choisi ; le lecteur prévoit des réflexions sur la biologie et sur les limites que cette science impose peut-être au déterminisme. En réalité, il n’y est question du déterminisme que par surcroît, et la biologie elle-même n’y est étudiée que sous les vêtements quelque peu vieillis qui la travestissaient, à la fin du siècle dernier, en psychophysiologie d’abord, puis, sans transition, en cosmologie et en explication totale de l’univers. Cette limitation du sujet reste d’ailleurs apparente, car l’auteur ne se borne jamais à réfuter Spencer, Häckel, Betcherew ou Le Dantec ; il dit aussi son mot sur la valeur propre des théories biologiques introduites par ces auteurs dans leur psychologie ; il remue ainsi beaucoup de problèmes, les uns surannés (formes primitives de l’épiphénoménisme, de la théorie des localisations ; « monisme » de Häckel, etc.), les autres vivants (tropismes ; remaniements récents des idées de Darwin, etc.), mais qu’il traite avec la même brièveté que les conceptions aujourd’hui dépassées. Le charme du livre vient d’ailleurs de cette vivacité combative, de ce souci de ne rien négliger, de dire leur fait à tous les dogmatiques de l’« évolution », et aussi du plaisir qu’on éprouve soi-même à repenser ou croire repenser promptement tant de discussions et de systèmes ; mais la pensée de l’auteur se dérobe sous tant de critiques et ne se révèle, parfois, que pour manquer de précision. Il est bon de nous rappeler que nous ne sommes guère mieux informés de la physiologie nerveuse et cérébrale que ne l’étaient Claude Bernard et Spencer, et que les thèses de l’évolutionnisme ne sont plus pour nous que des postulats. Il reste pourtant, de la période héroïque de l’évolutionnisme, un certain nombre de faits et une certaine idée du devenir qui semble féconde ; l’auteur lui-même croit à ce qu’il appelle la « biologie-science », qu’il entend libérer de la « biologie déterministe » : langage qui prêterait à l’équivoque si nous ne savions que « déterministe » signifie assez bizarrement « épiphénoméniste ». Enfin nous ne voyons pas qu’une méthode nouvelle s’oppose à celle de la biologie darwinienne ; ou bien M. de Gramont-Lesparre attend-il de la philosophie de Sir O. Lodge et de vues confuses sur « l’unité de l’énergie » (cf. en particulier p. 177 et Conclusion), qui nous rappellent plus qu’à lui le « monisme » de Häckel, un instrument nouveau de pénétration dans l’étude des rapports de l’esprit et de la vie ?

Essai sur l’Individualisme, par Paul Archambault. 1 vol. in-16 de 216 p., Paris, Bloud, 1913. — On trouve ici réunies trois études d’importance très inégale sur la morale de Renouvier, la con-