met les supérieurs à la merci des inférieurs et du nombre, posent les termes essentiels de la crise politique. Quant à la décomposition morale, c’est dans l’individualisme effréné, l’anarchie des intelligences, la dissolution de la famille, l’immoralité sexuelle, l’accroissement de la criminalité, des divorces et des suicides, que M. Deherme en voit les marques les plus incontestables. — Les remèdes proposés ? Ici vraiment il faut une foi robuste pour qu’un homme, qui n’aime pas être dupe des mois et des apparences, voie dans une dictature positiviste, « contrôlée, soutenue, sanctionnée par les philosophes, disciplinée par le sentiment féminin, agissante par l’énergie prolétarienne », et s’aidant de la collaboration du catholicisme, le seul moyen de réaliser cette collaboration des classes, ce syndicalisme d’ordre, cette organisation des libertés qui nous sont présentés comme l’idéal nécessaire.
Croître on disparaître, G. Deherme, 1 vol. in-16 de 270 p., Paris, Perrin, 1910. — Cet autre livre de M. Deherme, d’un accent si sincère, ne serait certes pas inutile s’il pouvait contribuer à fixer l’attention du grand public sur la question la plus grave peut-être et la plus urgente de l’heure présente. Mais il faut avouer, par contre, qu’au point de vue scientifique, au point de vue social, au point de vue moral, il n’apporte vraiment rien de nouveau. La question de la dépopulation soulève deux problèmes. L’un général : est-ce un devoir en soi de croître et de multiplier, ou faut-il à cet égard développer au contraire prudence et prévoyance ? L’autre, particulier : y a-t-il là un devoir pour nous, Français, dans l’état actuel de l’Europe ? M. Deherme ne traite du premier qu’avec un visible embarras, et ne se décide pas à le distinguer nettement du second. On peut regretter en outre le ton de polémique violente qu’il croit devoir adopter, et qui ôte beaucoup d’autorité à ses dires : en quoi par exemple la dépopulation française peut-elle être mise spécialement à la charge du parti radical, pour lequel l’auteur ne se lasse pas de manifester sa colère et son mépris ? On aurait bien besoin là de quelques précisions.
Quant au chapitre des remèdes, si l’on peut trouver qu’il en repousse quelques-uns sans raisons décisives, on est vraiment stupéfait de ceux qu’il préconise : ce n’est ni plus ni moins que la constitution d’un pouvoir spirituel et l’avènement intégral du positivisme. On se met l’esprit à la torture pour comprendre quel sera ce pouvoir spirituel et comment il pourra bien agir, puisque aussi bien M. Deherme repousse avec horreur toute contrainte légale et la « barbarie » socialiste, et qu’on ne voit pas de quels moyens particuliers de persuasion il pourra disposer, ni de quelles lumières, pour déterminer jusqu’à quel point il convient d’avoir des enfants, et pas au delà, et quelles classes sociales doivent en avoir. Est-ce sérieusement qu’on compte
sur l’institution du « mariage chaste »
ou la pratique de l’adoption, tels que les
a rêvés Aug. Comte ? Aussi bien, et cela
ressort du livre même de M. Deberme, il
n’apparaît pas que Comte, si grand qu’il
fût, ait sur ce point prévu l’avenir, ni
considéré la dépopulation comme un
danger national il n’a guère songé et y
parer dans sa théorie de la famille. –
En fin de compte, M. Deherme a sans
doute raison de relier le phénomène de
la dépopulation au développement de la
prévoyance, de l’instruction et de l’individualisme
mais il faudrait qu’il nous
dit plus nettement si ce lien lui parait
nécessaire, impossible à rompre ni a
dénouer, et si l’alternative qui se pose
à la société contemporaine est vraiment,
à son sens, de disparaître, ou de réagir
radicalement contre tout le mouvement
des idées et de la civilisation modernes.
Le droit et la sociologie, par Raoul
Bruœillgs, 1 vol. in-8 » de 162 p., Paris,
Alça.n, 1910, Comme si la question des
rapports du droit et de la sociologie
n’était pas assez vaste, M. BrugeiHes
l’élargit, et ce qu’il nous expose dansée
petit livre, c’est toute une métaphysique,
toute une méthodologie sociologique,
toute une théorie de L’ « Etre social », "Me
la conscience sociale, des phénomènes
sociaux et des phénomènes interpsychologiques.
La métaphysique est arbitraire ;
l’auteur rie parait pas se mouvoir à l’aise
au milieu des termes et des notions philosophiques ;
il attribue des sens imprévus
aux mots chose en soi, intuition, monisme,
etc. Et, oubliant que Descartes est
l’auteur d’un Traité des passions et d’une
distinction célèbre entre l’entendement
et la volonté, il n’hésite pas à écrire
« Descartes, faute d’une assez longue
étude de la psychologie, avait réduit la
conscience il la pensée Cogito, ergo
sum » (p. 10). Les raisonnements de ce
genre ne sont pas rares dans les premiers
chapitres de l’ouvrage. Les idées les plus
intéressantes se trouvent dans les dernières
pages, celles où M. BrugeiU.es
propose de diviser les faits sociaux en
quatre classes : _“ phénomènes téléologiques,
phénomènes séméiologiques, phénomènes
nomologiqucs, phénomènes techno-