Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1912.djvu/17

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parti pris qui serait indigne à la fois d’un philosophe et d’un historien.

Wilhelm von Humboldts Forschungen über Asthetik, par Hans aus der fuente, doct. phil. (Philosophische Arbeiten, publiées par H. Cohen et P. Natorp, vol. IV. 3e cahier, 1 vol. in-8 de 144 p., Giessen, Töpelmann, 1912). — Guillaume de Humboldt est une personnalité représentative de l’époque idéaliste et, au sens propre du mot, « humaniste », où il a vécu. En lui se retrouvent, avec les idées essentielles de la philosophie de Kant et de Schiller, les aspirations sentimentales et les tendances morales des poètes, des hommes et des femmes les plus remarquables de son temps. En esthétique, Humboldt prolonge la direction ouverte par Kant et Schiller ; il tire les conséquences rigoureuses de l’interprétation que Schiller avait donnée de l’esthétique kantienne. Et l’on trouve que, chez lui, comme chez Schiller, la préoccupation dominante est une préoccupation psychologique, celle de saisir dans son essence propre l’activité esthétique. Kant avait dit que la beauté est une finalité subjective sans fin objective ; Schiller avait découvert que la beauté n’est pas une propriété de l’objet, mais une qualité du sujet. M. de la Fuente, s’inspirant des idées de son maître Cohen, met en lumière les lacunes essentielles de l’esthétique kantienne (p. 2-3), puis les notions fondamentales de l’esthétique de Schiller (p. 4-14) : et ces remarques ne sont nullement des hors-d’œuvre, car, si l’on ne fait leur part à l’influence de l’auteur de la Critique du jugement et à celle de l’écrivain des Lettres sur l’éducation esthétique, il est impossible de se rendre un compte exact de l’évolution de la pensée de Humboldt. En revanche, M. de la Fuente, d’accord sur ce point avec Pott, mais contredisant, à tort, croyons-nous, Ed. Spranger, nie que Schelling ait exercé sur Humboldt aucune influence notable et cette négation entraîne chez lui une certaine exagération du caractère esthétique de la pensée de Humboldt. Laissons de côté ce qui regarde la métaphysique, puisque aussi bien les quelques pages consacrées par M. de la Fuente à cette question (notamment p. 109), d’un caractère surtout polémique, manquent un peu de clarté ; mais il paraît difficile de nier, comme le fait pourtant M. de la Fuente, que la philosophie de Humboldt soit surtout une éthique. Ce que dit M. de la Fuente de l’individualisme de Humboldt au début du volume n’est point inexact : mais on ne se douterait pas, à le lire, qu’il existe un individualisme juridique et politique de Humboldt, et que celui-ci ait écrit un essai pour déterminer les limites de l’activité de l’État. Il semble que l’indépendance attribuée par M. Cohen à l’esthétique dans l’édifice systématique de la philosophie soit pour quelque chose dans cette position un peu artificielle et forcée du problème de l’esthétique de Humboldt ; et d’une manière générale on peut regretter que M. de la Fuente ait écrit son utile et intéressant travail sous l’empire et comme sous l’obsession des constructions théoriques et du langage même de son maître. Il arrive qu’en certains passages on ne sache plus si on lit du Humboldt ou du Cohen. Des expressions telles que « le concept de Stimmung, comme Eros esthétique du génie » étonnent et détonnent un peu : M. de la Fuente eût pu sans doute exposer les idées de Humboldt sans se servir des notions à l’aide desquelles, comme il le dit lui-même (p. 33, note 4), M. Cohen a fondé en 1912 l’Esthétique du sentiment pur. Le lecteur y eût gagné de ressentir plus pleinement, pour l’exposé pénétrant et judicieux de M. de la Fuente, la confiance que celui-ci mérite.

Les Grands Hommes, par W. Ostwald. 1 vol. in-18 jésus de 328 p., Paris, E. Flammarion. — « Pour comprendre scientifiquement les grands hommes, il faut admettre qu’ils ont été des hommes, avec des qualités humaines. Cette manière de voir échappe à la plupart des biographes (et je songe ici à des faits très récents) ; leur but, avoué ou non, est de dire de leur héros tout le bien possible » (p. 17). « Il y a, parmi ceux qui font de grandes découvertes ou de grandes inventions, deux types extrêmes que j’appellerai provisoirement les romantiques et les classiques. Les caractères du classique sont la perfection, à tous les points de vue, de chacune de ses œuvres, une existence retirée, et une action personnelle assez faible sur son entourage ; le romantique présente au contraire d’une façon frappante les qualités opposées » (p. 27). « Les travaux les plus marquants sont faits à un âge relativement peu avancé… Quand, chez un savant, on peut reconnaître nettement un point culminant… à peu près sans exception, ce summum est atteint avant la trentième année » (p. 35). « Tendances et capacités poussent le savant qui vieillit à s’occuper de problèmes pratiques » (p. 41). « Mayer n’eut aucun succès au gymnase, il était un des plus mauvais élèves pour les langues anciennes ; cela