Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 6, 1907.djvu/11

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en même temps qu’une conception discutable du droit des successions.

Essai de constitution internationale, par Umano, trad. par C. Pichot. 1 broch. gr. in-8 de 104 p., Paris, Cornély, 1907. — Il suffit de feuilleter quelques instants cette élucubration pour constater combien elle est loin de répondre aux promesses et aux prétentions du titre. Toute la thèse de l’auteur tient, en somme, dans cette phrase : « La solution positive (du problème international) gît dans la formation d’un suprême gouvernement international pour les affaires internationales ». Nous apprenons, il est vrai, aussi que l’assemblée internationale qui constituera ce gouvernement serait « composée des représentants de chaque nation en nombre proportionnel à sa force moyenne, cérébrale, musculaire et économique, c’est-à-dire à la moyenne du chiffre de son industrie, de sa population et de sa richesse ». Nous apprenons aussi que cette constitution aura des « effets immédiats sur l’anarchie, sur les alliances, sur l’enseignement, sur les libertés nationales, etc. ». Et tout cela est affirmé avec un dogmatisme à la fois naïf et superbe, sans ombre de preuves ni de critique. En revanche, ces cent pages peu serrées contiennent une théorie générale de l’État, du droit, du vote des femmes, une exécution sommaire de l’arbitrage obligatoire, qualifié comme « absurde, lâche et contraire à la civilisation ». Il serait fâcheux que ce puéril « Essai » pût passer pour un échantillon typique de la littérature pacifiste, qui compte, heureusement, des œuvres autrement originales et fortes.

La Physionomie humaine. Son mécanisme et son rôle social, par le Dr I. Waynbaum. 1 vol. in-8 de 320 p., Paris, Alcan, 1907. — M. Waynbaum essaie d’expliquer par les nécessités de la circulation cérébrale les différents modes d’expression des émotions. Les communications nombreuses existant entre les deux circulations artérielles, intra et extra-crânienne, permettent en agissant sur la dernière de régler la première. Les grimaces qui accompagnent les émotions ont précisément pour effet — et pour but — de ralentir ou de faciliter cette circulation extra-crânienne, et d’agir par là indirectement sur la circulation cérébrale. Les larmes, en produisant une sorte de saignée, entrainent l’anesthésie des centres supérieurs. Les rougeurs ou les pâleurs sont des « grimaces vasculaires » d’un caractère spécial. — Cette théorie vasculaire de la Physiognomique, qui n’a en soi rien d’invraisemblable, prête cependant, dans la pratique, à de graves objections, et l’on peut trouver au moins insuffisantes les démonstrations de M. Waynbaum.

La seconde partie du livre, consacré au rôle social de la physionomie est vague et banale : à l’exception toutefois du dernier chapitre où l’on trouvera une savoureuse prosopopée d’un vieux miroir de famille « incarnant l’Énergie génératrice humaine ». Ajoutons que la langue bizarre et extrêmement incorrecte dont use M. Waynbaum rend la lecture de son livre très pénible.

Helvétius, sa vie et son œuvre, d’après ses ouvrages, des écrits divers et des documents inédits, par Albert Keim, docteur ès-lettres. 1 vol. in-8 de viii-719 p., Paris, Alcan, 1907. — Du Même Auteur : Notes de la main d’Helvétius, publiées d’après un manuscrit inédit, avec une introduction et des commentaires. 1 vol. in-8 de viii-116 p., Paris, Alcan, 1907. — « Après m’être voué pendant une douzaine d’années, écrit M. Albert Keim. ` à une sorte de philosophie mystique et douloureuse de l’Infini et de l’Absolu, j’ai mieux compris l’importance politique (autrement dit pour la vie en commun, dans la cité) de cette doctrine positive et relative qui, malgré les analyses impitoyables, ne mène pas à des négations atroces, mais à une magnifique affirmation de la vie, de la justice et du progrès. Cette doctrine est capable de fortifier notre activité en l’éloignant quelquefois, sans doute, des régions sublimes du cœur et de l’esprit, mais en bannissant aussi les chimères qui obsèdent, qui blessent, qui torturent l’âme, en proie à l’effrayante splendeur de l’idéal, à toutes les angoisses de l’inassouvissement » (p. v-vi). C’est le même M. Albert Keim qui, dans un récent numéro du Censeur, dénonce « une influence dangereuse sur la Pensée française », à savoir l’influence kantienne, et s’accuse d’en avoir été longtemps la vic-time. « C’est cette inquiétude pathétique du Divin et de l’Absolu qui nous attirait jadis, l’abbé Clément Besse et moi, et beaucoup d’autres, je pense, aux cours de M. Boutroux sur Pascal et sur Kant. En dehors des exercices scolaires, nous trouvions enfin à la Sorbonne un frisson, une ferveur ! Nous étions avides de recueillements et d’extases intellectuelles… » Et c’est le même Albert Keim, il faut le supposer, qui inspire, dans le même numéro du Censeur, la « Pétition au Conseil municipal de Paris pour qu’il restitue à la rue Sainte-Anne le nom de rue Helvétius ». La lecture des œuvres d’Helvétius a donc réveillé M. Albert