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MÉTAPHYSIQUE ET MORALE

Une opinion tend à s’établir, au moins chez un grand nombre, favorisée par les progrès, si considérables en ces derniers siècles, des connaissances mathématiques, physiques et historiques, d’après laquelle la philosophie, resserrée dans des bornes de plus en plus étroites, doit enfin disparaître. C’est ce que soutint en particulier, surtout à ses débuts, l’auteur du système qu’il appelait le Positivisme. Il n’y avait, pensait-il, de positif, c’est-à-dire d’avéré, que ce qui tombe sous les sens physiques, et dont il ne s’agissait que de connaître les rapports constants de simultanéité ou de succession pour en tirer parti dans la conduite de la vie. Le reste se réduisait à des imaginations qui avaient fait leur temps. Ce reste, c’était d’abord des êtres surnaturels ou dieux dont l’humanité enfant avait fait les auteurs plus ou moins capricieux de tout ce qui l’entourait ; c’était ensuite des entités abstraites par lesquelles, dans une seconde époque, les métaphysiciens avaient remplacé ces dieux. La tâche d’une troisième époque, l’époque moderne, devait être d’écarter les fantômes de la seconde comme de la première, et de mettre fin ainsi au règne de la métaphysique comme à celui de la religion.

Déjà, peu avant l’apparition du Positivisme, l’auteur du Criticisme avait cherché à démontrer le néant de la métaphysique, et réduit la philosophie théorique à une analyse des facultés de connaître qui devait les convaincre d’impuissance pour dépasser l’horizon des connaissances physiques.

Il ne nous semble pas que la sentence édictée par Kant et par Auguste Comte soit sans appel. Les successeurs du premier dans son pays reprirent presque aussitôt, pour les pousser plus loin encore, les spéculations qu’il avait condamnées, et le second s’engagea lui-même, à la fin de sa carrière, en des errements analogues à ceux dont il