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E. CHARTIER. — Vers le positivisme absolu par l’idéalisme.

Hegel sans doute qu’il ne le croit lui-même, on se demanderait si vraiment M. Weber a pénétré, au delà des systèmes, jusqu’à la pensée réelle de ces philosophes. Il y a deux choses en effet dans les œuvres d’un philosophe : un système, qui dépend des mots qu’il emploie, et une vue pénétrante sur la condition humaine : et c’est ici le détail qui importe, non l’architecture et l’ordre des chapitres. Quand je lis un résumé de la doctrine de Fichte, je ne vois là que des mots arrangés d’une façon nouvelle ; mais quand je lis la Destination de l’homme, j’y trouve des vérités en foule, je sens leur poids et leur puissance, et je m’en nourris, sans m inquiéter de savoir si Fichte est, ou non, victime de l’illusion réaliste. J’en dirai autant de Hegel. Je crois vraiment que ce qui importe, pour cet auteur comme pour tous ceux dont la lecture réconforte et soulève, c’est de comprendre page par page ce qu’il veut dire ; c’est dans le détail qu’est le vrai Hegel : son système, comme tout système, se justifie par l’usage qu’il en fait ; et il n’y a qu’une manière de l’expliquer, c’est de le commenter mot par mot ; si son système, est, ou non, un « panlogisme »[1], on peut se résigner à ne jamais le savoir. Que le lecteur n’aille donc pas croire que ces brefs résumés et ces sommaires discussions sont de la métaphysique. La métaphysique est peut-être dans Hegel ; elle n’est assurément point du tout dans un abrégé de Hegel.

J’aurais la même chose à dire, ou peu s’en faut, du dernier chapitre de cette Revue historique, chapitre où l’idéalisme monadiste est exposé et, à son tour, réfuté. On trouvera dans ce chapitre, qui est assurément le meilleur de toute cette première partie, un effort vigoureux pour ramener le Cogito à sa signification originelle, et le dégager de toute interprétation dogmatiste[2]. La critique de la Nouvelle monadologie n’en semble pas moins un peu brève. « Le monadisme n’est au fond qu’un compromis de la raison philosophique avec le sens commun. » Il y a bien des manières de concilier les exigences du sens commun avec celles de la réflexion ; et la meilleure manière de les concilier sera sans doute la meilleure philosophie : M. Weber lui aussi, se croit tenu à rendre compte des apparences, et à adapter sa doctrine aux notions communes d’expérience et de fait. De plus, ce jugement, en admettant qu’il vaille contre la nouvelle monadologie, ne suffirait assurément pas pour réduire à néant le système de Leibniz. La doctrine de Leibniz n’est

  1. P. 121.
  2. P. 142-145.