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tinctement tout cela. Mais à aucun moment elle ne cessait de contenir tout cela. À aucun moment, par conséquent, elle n’exprimait l’événement cérébral tout seul, puisque, par hypothèse, elle exprime cet événement, plus beaucoup d’autres choses.

Mais il est plus probable que M. Darlu parle ici de « représentation confuse » dans un sens tout différent. Il désigne ainsi la perception que j’aurais des mouvements de molécules et d’atomes, en tant que mouvements. Si je pouvais apercevoir ce qui se passe dans mon cerveau. C’est cette représentation-mouvement qui, d’après lui, contient virtuellement la représentation-univers.

Mais je ne puis alors que répéter, en l’adaptant à cette nouvelle manière de s’exprimer, mon raisonnement de tout à l’heure. Si, par mouvement de molécules et d’atomes, vous entendez simplement ce mouvement tel qu’il serait représenté dans la perception que nous en aurions, c’est-à-dire étendu dans l’espace, jamais vous ne retrouverez dans le mouvement intra-cérébral le monde environnant tout entier, puisque ce mouvement est représenté dans la perception comme une partie alors que ce monde est représenté comme le tout.

Que si, au contraire, vous entendez par mouvement cérébral un signe au moyen duquel une intelligence surhumaine pourrait lire dans le cerveau tout ce qui se passe dans le monde environnant, je prétends (et je crois bien que vous le dites implicitement vous-même) que ce signe est d’une nature toute particulière. Il est tel, en effet, que, mieux on en déchiffre le sens, plus on s’aperçoit qu’on l’avait mal lu. Mieux on en déchiffre le sens, plus on voit ce signe rejoindre, s’adjoindre, résorber enfin en lui tout ce qui avait paru simplement l’entourer. On croyait l’avoir pris tout seul ; mais comme (à moins de revenir à la première hypothèse et de considérer l’essence de la réalité comme étalée dans l’espace) il se trouve maintenant devoir son existence et ses propriétés à tout ce qui l’entoure, c’est son entourage, bon gré, mal gré, que l’on considère en même temps que lui. Cela revient à dire que, de la juxtaposition du cerveau et «les autres objets dans l’espace, on a passé à une implication du cerveau et de toutes choses les unes dans les autres. On s’est transporté à l’hypothèse que j’ai appelée réaliste (que vous pouvez d’ailleurs continuer à appeler idéaliste, si vous le préférez ; le mot ne fait rien à l’affaire) ; et dès lors ce n’est plus l’événement cérébral qui est l’équivalent de la représentation, c’est la totalité du représenté.