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H. POINCARÉ.COURNOT ET LE CALCUL INFINITÉSIMAL.

de ces mêmes grandeurs. Ce rapport, il est vrai, est le seul qui puisse tomber directement sous notre observation, et lorsque nous définissons le 1er et par le 2e nous nous conformons aux conditions de notre logique bumaine ; mais une fois en possession de l’idée du 1er rapport, nous nous conformons à la nature des choses en en faisant le principe d’explication de la valeur que l’observation assigne au 2e rapport. »

Et encore (ibid, p. 37) : « Un corps qui sort du repos commence par avoir une vitesse infiniment petite ; tandis qu’il répugne qu’il y ait actuellement dans le monde un corps animé d’une vitesse infiniment grande.

« Tout ce qui est infiniment petit échappe à nos observations, mais non aux conditions des phénomènes naturels ; tout ce qui est infiniment grand échappe à la fois à nos observations et aux conditions mêmes de la production des phénomènes. »

Il semble que la netteté de ces citations ne laisse rien à désirer. L’infiniment grand ne peut avoir d’existence actuelle, mais il n’en est pas de même de l’infiniment petit. Bien plus, au point de vue objectif, l’infiniment petit préexiste au fini. C’est notre logique humaine qui procède du fini à l’infiniment petit, la nature procède toujours de l’infiniment petit au fini. Newton était resté fidèle à la logique humaine, Leibnitz s’est rapproché de la nature. Ils se complètent donc mutuellement ; le premier n’aurait pu nous donner qu’une image imparfaite du monde, le second ne pouvait se passer de ce qu’il empruntait au premier, ou à sa manière, sans quoi la rigueur démonstrative lui aurait fait défaut.

On pouvait se demander si Cournot ne donne pas ici au mot infiniment petit le même sens que M. Evellin, si cet infiniment petit auquel il attribue une existence objective, n’est pas l’élément ultime, indivisible des choses, que l’on supposerait décomposables en atomes discrets. Le temps infiniment petit, ce serait l’atome de temps et toute durée finie se composerait d’un nombre fini, quoique extrêmement grand, de pareils atomes. Je ne puis m’arrêter à cette interprétation ; si Cournot avait eu une conception aussi particulière, aussi éloignée des idées ordinaires et des vues de la plupart des savants, il l’aurait dit explicitement. Il avait un langage trop précis pour employer le mot infiniment petit dans le sens de fini.

Mais il y a plus et nous trouverons à chaque instant, dans les