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QUESTIONS PRATIQUES


LE DROIT DU PÈRE DE FAMILLE
ET LE DROIT DE L’ENFANT
(Conférence faite à l’École des Hautes Études sociales, février 1905)[1]

Lorsque l’expulsion des jésuites, au xviiie siècle, posa devant tous les esprits, et de la manière la plus urgente, le problème de l’éducation, le voeu on peut dire unanime allait à l’organisation d’une éducation nationale qui donnât à la patrie des citoyens utiles. C’est Condorcet, je crois, qui le premier, pendant la Révolution, dressa le droit du père de famille en face de celui de la société, et comme une limite au pouvoir du législateur en cette matière. Il compte parmi les droits naturels de l’homme celui de veiller sur les premières mutées de ses enfants. « C’est, dit-il, un devoir imposé par la nature, et il en résulte un droit que la tendresse paternelle ne peut abandonner. On commettrait donc une véritable injustice en obligeant les pères à renoncer au droit d’élever leur famille[2]. »

Le droit de l’enfant apparut plus tardivement. Lorsque le droit du père de famille devint l’argument des catholiques qui réclamaient la liberté de l’enseignement, certains défenseurs libéraux du monopole universitaire qui répugnaient à reconnaître la thèse communiste du droit absolu de l’État sur tous les enfants des citoyens, découvrirent un droit propre et personnel de cette jeunesse. Ainsi la Liberté de l’enfant servirait à restreindre la liberté du père de

  1. Notes développées, où j’ai fait rentrer vers la fin quelques-unes des idées que j’ai exprimées dans la discussion qui suivit la conférence, selon l’habitude de l’école.
  2. Cité par Grimaud, Histoire de la liberté d’enseignement, p. 25.