Page:Revue de métaphysique et de morale - 13.djvu/666

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
656
revue de métaphysique et de morale.

et des citoyens qui se répartissent à leur gré, selon leurs traditions de famille, entre toutes les confessions et toutes les philosophies. Plus particulièrement, et dans les circonstances actuelles, le droit dupère de famille est invoqué pour sauver les écoles congréganistes.

Nous demandons que partout où nous le pouvons faire, de notre côté, le droit nous soit reconnu par la loi d’élever en face de l’école neutre[1] l’école confessionnelle, et nous demandons que partout où il ne peut y avoir qu’une école, ce soit l’habitant, le père de famille, le principal intéressé qui décide si le caractère en sera « confessionnel ou neutre[2] ».

Le contenu réel du droit théorique du père de famille, selon les catholiques et leurs alliés libéraux, c’est donc la liberté des écoles confessionnelles, disons des écoles congréganistes. C’est aussi pour le père le droit de se faire remplacer auprès de son enfant par les maîtres de l’école qu’il a choisie[3]. C’est un droit de délégation, de cession, d’abdication à leur protit. Le droit inviolable du père de veiller à l’éducation de son enfant se réalise par une démission qui lui substitue des étrangers.

Cette thèse est, en fait, celle de la liberté absolue, illimitée du père de famille, que théoriquement on ne soutient pas. Elle la réalise pratiquement, sans qu’on le dise.

On tire du droit du père de famille, en lui donnant le sens que j’ai dit, beaucoup plus qu’il ne contient. Le droit du père de famille ne saurait être allégué comme une objection insurmontable au monopole de l’enseignement : attendu qu’il y a des formes du monopole, qu’on peut en concevoir, qui ne blessent ni ne diminuent le droit du père de famille de veiller à l’éducation de ses enfants et de lui transmettre ses croyances. La question de la liberté de l’enseignement et la question du droit du père de famille sont tout à fait distinctes.

Ce que le père de famille a le droit d’exiger de l’État, quel que soit le régime scolaire, liberté ou monopole, c’est que l’État ne l’empêche pas de transmettre ses croyances religieuses, ses préférences

  1. L’école neutre est celle où M. Brunetière autorise l’État à « faire enseigner des choses contraires à ses croyances ». Obliger le père à y envoyer ses enfants, c’est l’obliger à les livrer « aux ennemis de toutes ses croyances et de toutes ses convictions ». École neutre veut dire pour M. Brunetière école confessionnelle de libre pensée.
  2. Brunetière, Débats. 19 janvier 1903.
  3. « Que devient la liberté du père de famille, s’il ne peut plus choisir celui qui le remplacera… ? » (M. Louis Le Grand, Abrogation de la loi Falloux, 254.)