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que par l’approfondissement des principes qui ont dirigé de tout temps les raisonnements reconnus justes par cet instinct rationnel auquel M. Poincaré attache un si grand prix. Il semble reprocher aux logisticiens d’« introduire » dans la Logique des notions indéfinissables et des principes indémontrables. Il serait plus juste de dire qu’ils les ont découverts ou reconnus ; tout comme Aristote n’a pas inventé, mais découvert et reconnu le principe du syllogisme. M. Poincaré se hâte trop d’affirmer que ces principes indémontrables « sont des appels à l’intuition, des jugements synthétiques a priori » (p. 829). Peut-être aurait-il été d’un autre avis, s’il avait pris la peine de parcourir l’énumération de ces principes. Pourquoi le principe de composition : « Si est , et est , est  » constituerait-il un appel à l’intuition plutôt que le principe du syllogisme : «Si est , et est , est  » ? En quoi le principe de simplification : «  est  » est-il plus synthétique que le principe d’identité, avec lequel on l’a si souvent confondu ? En tout cas, il a été considéré par Kant comme le type des jugements analytiques. Est-ce de ces principes que M. Poincaré a pu dire : « Nous les regardions comme intuitifs quand nous les rencontrions, plus ou moins explicitement énoncés, dans les traités de mathématiques ; ont-ils changé de caractère parce que le sens du mot logique s’est élargi et que nous les trouvons maintenant dans un livre intitulé Traité de logique » (p. 829) ? Dans quel traité de mathématiques M. Poincaré les a-t-il vus formulés ? Et, pour retourner son argument, lors même qu’ils seraient consignés dans un traité de mathématiques, cela changerait-il leur caractère de principes logiques ? « Ils n’ont pas changé de nature, ils ont seulement changé de place », écrit M. Poincaré en soulignant ; mais c’est lui qui les change de place. Il ne suffit pas qu’ils soient employés dans les raisonnements mathématiques pour qu’on les qualifie de mathématiques, et il ne suffit pas qu’ils ne se trouvent pas dans les traités de Logique classique pour qu’on leur refuse le titre de principes logiques. Autrement, il faudrait dire que les principes logiques sont, par définition, ceux qu’ont découverts et formulés Aristote et les scolastiques ; et que sont intuitifs tous les principes logiques découverts par les logiciens modernes. La distinction du logique et de l’intuitif se réduirait alors à une question de chronologie.

D’ailleurs, on abuse contre les logiciens de ce concept vague d’intuition, surtout quand on ne spécifie pas de quelle intuition l’on