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unes, qui serviront de prémisses, seront des identités ou des définitions ; les autres se déduiront des premières de proche en proche ; mais bien que le lien entre chaque proposition et la suivante s’aperçoive immédiatement, on ne verra pas du premier coup comment on a pu passer de la première à la dernière, que l’on pourra être tenté de regarder comme une vérité nouvelle. Mais si l’on remplace successivement les diverses expressions qui y figurent par leur définition et si l’on poursuit cette opération aussi loin qu’on le peut, il ne restera plus à la fin que des identités, de sorte que tout se réduira à une immense tautologie. La Logique reste donc stérile, à moins d’être fécondée par l’intuition.

Voilà ce que j’ai écrit autrefois ; les logisticiens professent le contraire et croient l’avoir prouvé en démontrant effectivement des vérités nouvelles. Par quel mécanisme ?

Pourquoi, en appliquant à leurs raisonnements le procédé que je viens de décrire, c’est-à-dire en remplaçant les termes définis par leurs définitions, ne les voit-on pas se fondre en identités comme les raisonnements ordinaires ? C’est que ce procédé ne leur est pas applicable. Et pourquoi ? parce que leurs définitions sont non prédicatives et présentent cette sorte de cercle vicieux caché que j’ai signalé plus haut ; les définitions non prédicatives ne peuvent pas être substituées au terme défini. Dans ces conditions, la Logistique n’est plus stérile, elle engendre l’antinomie.

C’est la croyance à l’existence de l’infini actuel qui a donné naissance à ces définitions non prédicatives. Je m’explique : dans ces définitions figure le mot tous, ainsi qu’on le voit dans les exemples cités plus haut. Le mot tous a un sens bien net quand il s’agit d’un nombre fini d’objets ; pour qu’il en eût encore un, quand les objets sont en nombre infini, il faudrait qu’il y eût un infini actuel. Autrement tous ces objets ne pourront pas être conçus comme posés antérieurement à leur définition et alors si la définition d’une notion dépend de tous les objets , elle peut être entachée de cercle vicieux, si parmi les objets il y en a qu’on ne peut définir sans faire intervenir la notion elle-même.

Il n’y a pas d’infini actuel ; les Cantoriens l’ont oublié, et ils sont tombés dans la contradiction. Il est vrai que le Cantorisme a rendu des services, mais c’était quand on l’appliquait à un vrai problème, dont les termes étaient nettement définis, et alors on pouvait marcher sans crainte.