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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

renseignent que par l’introspection) ne smit pas d’accord sur cet ordre[1] ; mais, quel qu’il soit, la communication entre le psychique et le physique demeure un fait indéniable et prouve que la nature de l’un n’est pas entièrement différente de celle de l’autre.

4o Les actes voulus que, tout d’abord, a déterminés une délibération consciente, comme la marche, et qui, ensuite, sont devenus habituels ;

5o Les actes dits instinctifs, souvent très compliqués et savants, connue la construction d’une ruche d’abeilles, accomplis sans hésitation, mais qui probablement ont dû être réfléchis à l’origine et devenus habituels à la longue, car, si l’habitude est contrariée par quelque obstacle, l’animal modifie son plan de structure et l’adapte à l’obstacle ;

6o Les mouvements réflexes protecteurs, comme celui de la paupière, quand l’œil est menacé d’une atteinte par un projectile ;

7o Les orientations des branches d’une plante portée à diriger son feuillage vers la lumière ; a-t-on fourni une explication purement mécanique et satisfaisante de ce phénomène ? Je l’ignore[2].

Ces divers exemples (et l’on en pourrait, sans doute, produire plusieurs autres) suffisent à faire beaucoup réfléchir sur la nature de la pensée.

Dans les exemples 4o et 5o, où l’habitude est en cause, la mentalité n’est pas abolie ; elle est devenue inconsciente, et le vouloir, qui lui sert à communiquer avec la force musculaire, agit inconsciemment comme elle, sans être non plus supprimé. Les actes habituels, en

  1. Les psychologues-physiologistes pensent que tous les faits psychiques sont conditionnés par des faits physiques et que, dans un processus physico-psychique, les premiers ne forment pas avec les seconds une seule et même chaîne dont ils seraient des anneaux au même titre ; ils pensent que les seconds forment seuls une chaîne d’où les premiers sont exclus ; les faits psychiques sont seulement surajoutés, en dehors d’elle, aux anneaux physiques dont elle est uniquement composée. Ce ne sont, en un mot, à leurs yeux, que des épiphénomènes, des phénomènes qui n’ont qu’une seule attache dans le déterminisme universel.
    Les psychologues de l’ancienne école pensent, au contraire, que le processus physico-psychique représente une seule et même chaîne où les faits physiques alternent avec les faits psychiques à titre d’anneaux comme eux, et peuvent les déterminer.
    Quand, par exemple, un père pâlit à la nouvelle soudaine de la mort de son fils, il leur semble impossible de concevoir comment l’anémie faciale pourrait précéder la suprise douloureuse qu’elle révèle et la déterminer. La subordination du physique au psychique leur paraît non moins évidente dans le processus de la volition déterminant l’action musculaire.
  2. Je cite cet exemple sous toutes réserves.