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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

CHAPITRE V

La nature et la formation des idées. Conclusion.

Il est bien entendu que je n’entreprends pas dans les pages qui suivent de composer un traité de la connaissance complet. Tant s’en faut ; je m’en tiendrai à examiner les fonctions mentales directement relatives à la question qui m’occupe. Je n’ai donc pas à m’excuser des lacunes que le lecteur ne manquera pas de relever dans cet exposé partiel et succinct.

I

Je lui ai fait connaître dans l’Avant-Propos le sens que j’attache aux termes état conscient, conscience spontanée (soit active, soit passive), conscience réfléchie. Je l’y renvoie : c’est par la définition de ces termes que doit débuter toute analyse de la connaissance.

Les états conscients les plus constants et les plus fréquents sont les sensations (résistances, sons, couleurs, saveurs, odeurs), dont les synthèses respectives constituent les perceptions (tactiles, auditives, visuelles, gustatives, olfactives). La fonction principale des perceptions est de servir de signes à des événements qui s’accomplissent hors de la conscience, en un mot de les représenter en elle. Qu’est-ce donc que la représentation ?

On dit qu’une chose A en représente une autre B, quand on substitue volontairement A à B dont la perception est moins prompte, ou moins facile, ou impossible, et qu’on affecte A à noter dans la pensée et dans la mémoire l’existence passée, présente ou future de B, sans que d’ailleurs A participe en rien de ce qui distingue B des autres choses, c’est-à-dire en rien des caractères qui définissent B. Par exemple, en algèbre, des lettres représentent des valeurs sans avoir rien de commun avec celles-ci, par pure convention. La représentation est alors un signe conventionnel, un pur symbole. On dit encore qu’une chose en représente une autre quand la première, sans avoir non plus aucun caractère spécifique commun avec la seconde, s’y substitue d’elle-même sans convention préalable, par une concomitance constante, de telle sorte qu’il suffit de percevoir la première pour penser à la seconde. Par exemple : le cri du paon