Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/919

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trouvons dans les choses elles-mêmes, si, derrière leurs rapports physiques de pure juxtaposition, nous savons, par une expérience plus profonde, saisir leurs rapports d’emboîtement, de participation mutuelle, de vie commune. Rapports métaphysiques, qui unissent sans identifier, et qui permettent à l’individualité et à la pluralité, condition irréductible de notre expérience et de notre existence, de subsister, solidairement avec la tendance à l'harmonie et à l’unité. Le pluralisme essentiel des choses est donc plus vraisemblable que leur réduction absolue à l’unité. Dieu lui-même doit être conçu comme une personne qui n’exclut pas l’existence d’autres personnes.

Faut-il dire, d’ailleurs, que ces choses sont purement et simplement, c’est-à-dire que, dans leur fond, elles sont, une fois pour toutes, éternellement et immuablement, tout ce qu’elles peuvent et doivent être ? La formule suprême que rêve la science serait, à ce compte, la mesure de l’être véritable. Mais, à en juger par l’expérience concrète et réelle, une telle doctrine est impossible. L’être, selon cette expérience, est essentiellement vivant ; il se fait, il se crée : il n’est pas exposé à nos regards, de toute éternité, comme un vêtement tout fait dans un magasin. Nos croyances mêmes et nos efforts sont des facteurs de son histoire, qui est sa substance. Nous sommes les amis et les collaborateurs de Dieu. Il dépend de nous, dans une certaine mesure, de rendre habitable ou inhabitable le monde où nous vivons. Et quand nous aurons fait triompher le principe de la sympathie, de la compréhension des autres, de la justice rendue à toutes les intentions, du désintéressement, de la beauté, de l'héroïsme et du dévouement aux causes idéales, ce principe sera un fait observable.

III

Tandis qu’il se préparait à faire ce voyage d’Europe, son espoir suprême, d’où il ne devait revenir que pour mourir, William James achevait la Préface d’un résumé de sa philosophie qu’il composait à l’usage des étudiants. Ce résumé si désirable, lui seul pouvait le faire. Quant à nous, le moindre article de William James nous paraît si riche d’aperçus, si directement puisé, en tous ses détails, dans le commerce des choses elles-mêmes, si plein de propositions