Page:Revue de métaphysique et de morale - 2.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
revue de métaphysique et de morale.

Enfin, à l’exception du changement qui fait passer l’être du néant à l’existence, ou de l’existence au néant, tout changement s’accomplit dans un temps : or ee qui engendre dans l’étre une habityde, ce n’est pas le changement, en tant qu’il modifie l’être seulement, mais en tant qu’il s’accomplit dans le temps, L’habitude à d’autant plus de force, que la modification qui la produite se prolonge ou se répète davantage. L’habitude est donc une disposition, à l’égard d’un changement, engendrée dans un être par la continuité ou la répétition de ce même changement.

Rien n’est done susceptible d’habitude que ee qui est susceptible de changement : mais tout ee qui est susceptible de changement n’est pas par cela seul susceptible d’habitude. Le corps change de lieu ; mais on à beau lancer un corps cent fois de suite dans la même direction, avec la même vitesse, il n’en contracte pas pour cela une habitude : il reste toujours le même qu’il était à l’égard de ce mouvement après qu’on le lui a imprimé cent fois[1]. L’habitude n’implique pas seulement la mutabilité ; elle n’implique pas seulement la mutabilité en quelque chose qui dure sans changer, elle suppose un changement dans la disposition, dans la puissance, dans la vertu intérieure de ce en quoi le changement se passe, et qui ne change point.

I. La loi universelle, le caractère fondamental de l’être, est la tendance à persister dans sa manière d’être.

Les conditions sous lesquelles l’être nous apparaît sur la scène du monde, sont l’Espace et le Temps.

L’espace est la condition et la forme la plus apparente et la plus élémentaire de la stabilité, ou de la permanence ; le temps, la condition universelle du changement. Le changement le plus simple, comme le plus général, est aussi celui qui est relatif à l’espace même, ou le mouvement.

La forme la plus élémentaire de l’existence est donc l’étendue mobile ; c’est ce qui constitue le caractère général du corps.

Si tout être tend à persister dans son être, toute étendue mobile, tout mobile (car il n’y a de mobile que ce qui est étendu) persiste dans son mouvement : il y persiste avec une énergie précisément

  1. Aristot., Eth. Eud., II, 2 : Ἐθίζεται δὲ τὸ ὑπ᾽ ἀγωγῆς μὴ ἐμφύτου τῷ πολλάκις κινεῖσθαι πώς, οὕτως ἤδη τὸ ἐνεργητικόν, ὃ ἐν τοῖς ἀψύχοις οὐχ ὁρῶμεν. Οὐδὲ γὰρ ἂν μυριάκις ῥίψῃς ἄνω τὸν λίθον, οὐδέποτε ποιήσει τοῦτο μὴ βίᾳ.