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CRITON.dialogue philosophique entre eudoxe et ariste

ariste. — Oui.

eudoxe. — Et ainsi la science des couleurs vous apprend a connaître les couleurs particulières et complexes en les formant avec des couleurs simples.

ariste. — Oui.

eudoxe. — De même que la science des formes nous apprend à connaître les formes particulières et complexes en les composant avec des éléments simples.

ariste. — Voila un rapprochement bien inattendu.

eudoxe. — Peut-être mon ami pensait-il à des exemples de ce genre quand il disait que la géométrie était la science parfaite et le modèle de toutes les autres sciences.

ariste. — Je vois maintenant qu’il serait plus facile que je ne croyais d’accepter ce qu’il disait.

eudoxe. — Vous voyez donc qu’il n’est pas si évident qu’on pourrait le croire que notre connaissance va du particulier au général.

ariste. — Je le reconnais. Mais d’où vient donc que presque tous les savants qui ont parlé de la méthode des sciences de la nature ont dit qu’ils partaient des faits particuliers pour s’élever ensuite à l’idée et à la loi ?

eudoxe. — Il est plus difficile, Ariste, d’expliquer l’erreur que d’expliquer la vérité. N’y a-t-il pas aussi des géomètres qui croient avoir tiré de figures réelles, particulières, et imparfaites, leurs figures imaginaires, générales et parfaites ? Doutez-vous pour cela que la connaissance naturelle des formes aille du général au particulier, particulier étant pris comme synonyme de complexe ?

ariste. — Non certainement, Eudoxe.

eudoxe. — Nous dirons donc que toute science va du général au particulier.

ariste. — Nous le dirons.

eudoxe. — Je pense même que nous avons fait un détour bien long pour arriver à cette conclusion, et il m’en vient à l’esprit des raisons beaucoup plus simples.

ariste. — Dites lesquelles.

eudoxe. — Connaître une chose, n’est-ce pas pouvoir répondre à la question : qu’est-ce que c’est ?

ariste. — Oui.

eudoxe. — Et si je réponds en appelant cette chose par son nom