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revue de métaphysique et de morale.

il ne peut se défaire, et il dépasse involontairement, convulsivement même, toute fin placée en deçà de sa fin accoutumée.

Nous avions donc aussi de l’application originelle de la puissance motrice à l’organe du mouvement, quelque intelligence confuse et inexplicable et quelque ineffable intention, que l’habitude a pu encore atteindre. C’est le même point où l’habitude amène la conscience obscure de l’effort, puis la conscience claire de la direction extérieure du mouvement dans l’espace. Les degrés de la conscience se replient de la sorte l’un sur l’autre, du plus élevé au plus humble, et alors le mouvement entier se fait comme de soi-même ; il devient tout entier naturel, instinctif, comme l’est toujours la première application de la puissance motrice à l’organe du mouvement.

En outre, si l’effort implique la résistance, la résistance à son tour ne se manifeste que dans l’effort. Comment sortir de ce cercle, et où trouver le commencement ?

La volonté, en général, suppose l’idée de l’objet ; mais l’idée de l’objet suppose également celle du sujet.

L’effort veut donc nécessairement une tendance antécédente sans effort, qui dans son développement rencontre la résistance ; et c’est alors que la volonté se trouve, dans la réflexion de l’activité sur elle-même, et qu’elle s’éveille dans l’effort[1]. La volonté, en général, suppose un penchant antérieur, involontaire, où le sujet qu’il entraîne ne se distingue pas encore de son objet.

Le mouvement volontaire n’a donc pas seulement sa matière, sa substance, mais son origine et sa source dans le désir[2]. Le désir est un instinct primordial, dans lequel le but de l’acte est confondu avec l’acte, l’idée avec la réalisation, la pensée avec l’élan de la spontanéité ; c’est l’état de nature, c’est la nature même.

La dégradation successive de la conscience et de la volonté dans la partie volontaire du mouvement représente donc la série simultanée des états de la volonté et de la conscience dans les parties du mouvement total, depuis la région de la volonté jusqu’à celle de la seule nature. Le dernier degré de l’habitude répond à la nature même. La nature n’est donc, comme ce dernier degré, que l’immédiation de la fin et du principe, de la réalité et de l’idéalité du mouvement, ou du changement en général, dans la spontanéité du désir.

  1. M. de Biran, Infl. de l’habitude, p. 28, note.
  2. Van Helmont, loc. cit. p. 550, b : « Sunt autem ideæ desiderii solæ directrices motivæ ».