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H. POINCARÉ.nature du raisonnement mathématique.

Je suppose que l’on ait défini le nombre et l’opération qui consiste à ajouter l’unité à un nombre donné .

Ces définitions, quelles qu’elles soient, n’interviendront pas dans la suite du raisonnement.

Je définis ensuite les nombres , et par les égalités :

(1)   ;  (2)  ; (3) 

Je définis de même l’opération par la relation :

 (4) 

Cela posé nous avons :

 (Définition 4)

 (Définition 2)

 (Définition 3)

d’où :

C. q. f. d.

On ne saurait nier que ce raisonnement ne soit purement analytique. Mais interrogez un mathématicien quelconque : « Ce n’est pas une démonstration proprement dite, vous répondra-t-il, c’est une vérification ». On s’est borné à rapprocher l’une de l’autre deux définitions purement conventionnelles et on a constaté leur identité ; on n’a ainsi rien appris de nouveau. La « vérification » diffère précisément de la véritable démonstration, parce qu’elle est purement analytique et parce qu’elle est stérile. Elle est stérile parce que la conclusion n’est que la traduction des prémisses dans un autre langage. La démonstration véritable est féconde au contraire parce que la conclusion y est en un sens plus générale que les prémisses.

L’égalité n’a été ainsi susceptible d’une vérification que parce qu’elle est particulière. Tout énoncé particulier en mathématiques pourra toujours être vérifié de la sorte. Mais si la mathématique devait se réduire à une suite de pareilles vérifications, elle ne serait pas une science. Ainsi un joueur d’échecs, par exemple, ne crée pas une science en gagnant une partie. Il n’y a de science que du général.

On peut même dire que les sciences exactes ont précisément pour objet de nous dispenser de ces vérifications directes.