Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/669

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rance sur l’individu, mais sans qu’il y ail rien de commun dans les raisons pour lesquelles celle prépondérance est réclamée, ni dans les objets à propos desquels on la réclame, ni dans la manière dont on entend qu’elle se manifeste. Si c’était assez pour ne voir dans ces systèmes que deux aspects d’une même doctrine et pour les réunir sous une même appellation, alors il faudrait étendre le sens du mot à toute théorie morale, politique, pédagogique, économique, juridique, qui estime que l’intérêt social doit primer plus ou moins l’intérêt particulier, et le terme perdrait toute acception définie. En résumé, le communisme et le socialisme ont ceci de semblable qu’ils s’opposent également à l’individualisme radical et intransigeant ; mais ce n’est pas une raison pour les confondre, car ils ne s’opposent pas moins entre eux.

De cette distinction, il résulte que, pour expliquer le socialisme et en faire l’histoire, nous n’avons pas à remonter jusqu’aux origines communistes. Ce sont là deux ordres de faits historiques qui doivent être étudiés séparément. Du reste, si l’on se reporte à la définition que nous avons donnée du socialisme, on> verra que, loin d’avoir pu se constituer, même sous forme embryonnaire, dès la cité antique, il n’a pu apparaître qu’à un moment très avancé de l’évolution sociale. En effet, les éléments essentiels par lesquels nous l’avons défini dépendent de plusieurs conditions qui elles-mêmes ne se sont produites que tardivement.

En premier lieu, pour qu’on ail pu être amené à rattacher le commerce et l’industrie à l’État, il fallait que la valeur attribuée à ces deux sortes d’organes sociaux par la conscience publique fût sensiblement égale ; qu’ils fussent conçus par tout le monde comme de même ordre et de même rang. Or, pendant longtemps, il exista entre eux un véritable abime. D’une part, la vie commerciale et industrielle étant très peu développée, tandis que la vie politique était déjà devenue relativement très intense, les oscillations par lesquelles passait la première n’affectaient pas beaucoup la seconde. Pour être fortes et puissantes, les nations alors n’avaient pas besoin d’être très riches. La richesse semblait donc n’intéresser guère que les individus. Or, à ce moment, l’individu et ce qui le regardait comptaient peu. Au contraire, la société était la seule chose à laquelle la morale attachât du prix. Qu’on se la représentât, avec les foules, à l’aide de symboles religieux, ou, avec les philosophes tels que Platon, sous des formes plus