Page:Revue de métaphysique et de morale - 8.djvu/676

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permis d’écouter la lecture de quelques tableaux comparatifs de ce genre.

M. Hémon, professeur de philosophie au lycée d’Alger, applaudit à cette tentative. Il connaît, par expérience, les nécessités de l’enseignement à l’intérieur d’une même nation, et demande que l’on évite autant que possible, dans les livres de classe, le jargon philosophique. Les plus grands écrivains philosophiques ont écrit la langue la plus simple ; et, pour prendre un exemple contemporain, peut-être M. Fouillée doit-il son succès à la clarté de son style autant qu’à la profondeur de son système. M. Hémon déplore que les idées des philosophes ne dépassent pas suffisamment le cercle des philosophes : il faudrait parler comme tout le monde pour être compris par tout le monde. C’est un vœu qu’émet M. Hémon, dans l’intérêt, d’une part, du bon renom des philosophes, qui se soucient médiocrement d’être tenus pour des êtres d’exception, et, d’autre part, dans l’intérêt des communications internationales.

M. Couturat, docteur ès lettres, demande que l’on distingue entre deux problèmes : 1° celui de l’accord des philosophes sur telle ou telle partie de leur science ; 2° celui de l’accord sur les mots. Or, en philosophie proprement dite, il est chimérique d’espérer l’accord des idées ; tout ce qu’on peut faire, c’est de s’entendre sur l’emploi des mots. Mais une académie pourra-t-elle jamais remédier au mal, trop profond ? En somme, les règles auxquelles devra se conformer la future terminologie, ce sont des règles de logique et de style. De sorte que la première réforme à accomplir, c’est la réforme de l’esprit et du style des philosophes. Le travail qu’on nous propose sera sans doute utile — surtout à ceux qui le feront. Mais jamais il n’empêchera personne de divaguer avec des mots pris au hasard. — Pour passer à l’opinion émise par M. Hémon, qui souhaite voir la philosophie parler le langage de tout le monde, est-ce que l’on émet la même exigence pour les mathématiques ou la chimie ? Toute science, toute discipline intellectuelle a besoin d’un vocabulaire technique et précis. Et, si elle emploie des termes empruntés à la langue courante, c’est en leur conférant un sens rigoureux, qui n’est pas le sens vulgaire, cette dernière méthode est donc la plus équivoque, M. Hémon cite Descartes comme un modèle de clarté : ne sait-il pas combien cette clarté apparente est fallacieuse ? Entre deux philosophes qui parlent, le premier la langue de tout le monde, le second un langage technique, M. Couturat déclare qu’il