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VARIÉTÉS

environne ; mais c’est le dernier que nous eussions choisi pour faire une reconnaissance militaire du port. » Sans paraître faire attention à la réplique ironique de mon ami, l’étranger nous questionna sérieusement sur notre nom, notre pays et notre profession. Nous lui répondîmes sur tous ces points, et nous ajoutâmes que nous étions arrivés de San-Salvador, la veille au soir. À ces mots, il descendit de cheval et s’assit sur un banc à quelque distance de nous. La conversation devint alors vive et animée ; il témoignait la plus sérieuse anxiété à l’égard de tout ce qui avait trait aux opérations militaires devant San-Salvador, écoutant avec une attention profonde tous les détails que nous lui donnions, et nous interrompant par une exclamation qui portait l’empreinte d’une extrême présomption, lorsqu’il lui semblait que nous représentions sous des couleurs trop favorables la position des royalistes.

Il paraissait tourner en ridicule l’idée des prétendus renforts qu’on enverrait à la mère-patrie. Nous lui dîmes qu’il n’existait pas le plus léger doute à cet égard, puisque ces renforts étaient arrivés à San-Salvador, dans la matinée même de notre départ. — « Du reste, ajouta mon compagnon, pourvu que l’on parvienne à jeter des vivres dans la place, la garnison pourra s’y maintenir, éternellement contre la canaille rassemblée au dehors. »

Je n’oublierai jamais l’indignation subite qui s’empara alors du jeune officier ; ses yeux jetaient des flammes, et ses moustaches s’agitaient de colère. « De la canaille ! s’écria-t-il amèrement ; c’est pourtant une semblable canaille qui força deux fois, dans l’Amérique septentrionale, les vieilles armées de l’Angleterre à mettre bas les armes ! C’est cette canaille qui, sur l’autre partie de ce continent, vient de conquérir l’indépendance du pays, après une lutte sanglante et opiniâtre ! Et cette canaille, dont vous parlez si légèrement, achèvera avant peu l’œuvre glorieuse qu’elle a entreprise. Dans