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VARIÉTÉS.

nobles se présenter à l’invitation du parterre, sans se laisser intimider par les regards du public, et chanter, con amore, quelques stances de l’air national, je regrettai de voir sacrifier, même sur l’autel du patriotisme, le plus bel attribut des femmes, la modestie. Il ne faut cependant pas mettre trop d’empressement à blâmer les filles du Brazil ; nées sous un soleil brûlant, leur ame même se ressent de l’influence de ses rayons…

J’observais la figure de l’Empereur pendant cette scène ; il me semblait que j’y remarquais un air d’impatience inquiète et hautaine, un désir de se soustraire aux éloges exagérés dont il était l’objet. À côté de lui était assise la tendre fleur de la belle Autriche. Ses yeux bleus et ses cheveux blonds faisaient un élégant contraste avec la noire chevelure et les physionomies rembrunies de ses dames d’honneur. Une teinte de mélancolie profonde se répandait sur ses traits charmans. En la regardant quelques instans, on aurait cru, à son air rêveur, que ses pensées la transportaient bien loin, sur les rives du Danube, dans les lieux chéris de son enfance ; mais le mouvement dédaigneux de ses lèvres autrichiennes, indice de son ennui mal déguisé, montrait qu’elle n’était pas inattentive à ce qui se passait autour d’elle. La jeune reine de Portugal, intéressante enfant de trois ans, paraissait seule, de toute la famille impériale, prendre plaisir aux amusemens de la soirée, et en témoigna son contentement par toutes les marques d’une joie naïve.

Des fêtes, des revues, des processions, se succédèrent d’une manière si rapide, qu’enfin je commençais à croire que la politique du nouveau gouvernement, semblable à celle des empereurs romains, pouvait s’expliquer par les deux mots panem et circenses. Je désirais ardemment un moment de calme ; car tant que l’esprit public fut tenu dans un état d’excitation continuelle, il me devint impossible de juger comment pourrait s’établir le nouvel ordre des choses. Enfin,