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RUSSIE.

que. On a recueilli de nombreux documens relatifs au caractère de ces différentes tribus. Je rapporterai néanmoins un fait peu connu, et qui donnera une idée de la triste position où se trouvaient, il y a moins de cinquante ans, les habitans du sud de la Pologne et des frontières de Tartarie. Le comte Stanislas Potocki, dans les états duquel on rencontrait les petites villes de Tultchin et d’Uman, fut obligé pour se bâtir une demeure dans la première de ces villes, de faire venir de la Grande-Pologne, et d’entretenir à ses frais des troupes chargées de protéger ses ouvriers contre les déprédations journalières des hordes de Tartares dont tout le pays était alors infesté. Le même état de choses a subsisté sur les côtes de la mer Noire tant qu’elles ont été le domaine exclusif des Turcs dont on nous vante la simplicité patriarcale et la générosité. Une mer toute entière, un territoire immense, l’antique lien de communication entre l’Europe et l’Inde étaient frappés d’interdit, et fermés aux nations civilisées. La Russie méridionale, animée du génie de Pierre le Grand, éprouva d’une manière sensible les obstacles qui entravaient sa prospérité. En vain, de toutes les parties du monde appela-t-on dans cette contrée le commerce et l’industrie ; en vain essaya-t-on de les y introduire par de nombreuses tentatives ; les Turcs s’opposaient à chaque plan d’amélioration avec une opiniâtreté outrageante pour eux-mêmes, tandis que, silencieuse et sans espérance, l’Europe se soumettait à cette honteuse domination.

Le traité de Kaïnardji, conclu en 1774, ouvrit la navigation et les ports de la mer Noire aux Russes qui, depuis cette époque, ont graduellement conquis la totalité de ses côtes septentrionales. À l’exemple de la Russie, presque toutes les autres nations européennes obtinrent avec le temps le même privilége, et s’il existe encore quelques exceptions, il faut en accuser la politique capricieuse de la Porte que confirme tous les jours la soumission ou l’apathie des Européens. Il existe encore des hommes qui prétendent que la possession