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DOCUMENS OFFICIELS.

ment démontré par les faits, c’est que la sûreté publique est compromise par la licence de la presse. Il est temps, il est plus que temps d’en arrêter les ravages.

Entendez, Sire, ce cri prolongé d’indignation et d’effroi qui part de tous les points de votre royaume. Les hommes paisibles, les gens de bien, les amis de l’ordre, élèvent vers Votre Majesté des mains suppliantes. Tous lui demandent de les préserver du retour des calamités dont leurs pères ou eux-mêmes eurent tant à gémir. Ces alarmes sont trop réelles pour n’être pas écoutées, ces vœux sont trop légitimes pour n’être pas accueillis.

Il n’est qu’un seul moyen d’y satisfaire, c’est de rentrer dans la Charte. Si les termes de l’article 8 sont ambigus, son esprit est manifeste. Il est certain que la Charte n’a pas concédé la liberté des journaux et des écrits périodiques. Le droit de publier ses opinions personnelles n’implique sûrement pas le droit de publier, par voie d’entreprise, les opinions d’autrui. L’un est l’usage d’une faculté que la loi a pu laisser libre ou soumettre à des restrictions, l’autre est une spéculation d’industrie qui, comme les autres, et plus que les autres, suppose la surveillance de l’autorité publique.

Les intentions de la Charte, à ce sujet, sont exactement expliquées dans la loi du 21 octobre 1814, qui en est en quelque sorte l’appendice : on peut d’autant moins en douter que cette loi fut présentée aux chambre, le 5 juillet, c’est-à-dire un mois après la promulgation de la Charte. En 1819, à l’époque même où un système contraire prévalut dans les chambres, il y fut hautement proclamé que la presse périodique n’était point régie par la disposition de l’article 8. Cette vérité est d’ailleurs attestée par les lois mêmes qui ont imposé aux journaux la condition d’un cautionnement.

Maintenant, Sire, il ne reste plus qu’à se demander comment doit s’opérer ce retour à la Charte et à la loi du 21 octobre 1814. La gravité des conjonctures présentes a résolu cette question.

Il ne faut pas s’abuser. Nous ne sommes plus dans les conditions ordinaires du gouvernement représentatif. Les principes sur lesquels il a été établi, n’ont pu demeurer intacts au milieu des vicissitudes politiques. Une démocratie turbulente, qui a pénétré jusque dans nos lois, tend à se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la majorité des élections par le moyen de ses journaux et le concours d’affiliations nombreuses. Elle a paralysé, autant