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VOYAGES.

civilisé que ses compatriotes. Le propriétaire de la goëlette l’Héléna, à bord de laquelle j’étais passager, le connaissait, personnellement ; c’est à cette circonstance que je dois probablement de n’avoir pas été insulté ; car à peine le navire fut-il à l’ancre, qu’avec mon insouciance habituelle je me fis mettre à terre par le canot, et je parcourus l’île, seul avec mon fusil et des munitions, sans connaître un mot de la langue. Je rencontrai quelques nègres travaillant à leurs champs de riz ; ils vinrent à moi, et me firent signe de leur montrer mon fusil. Pour toute réponse, je glissai une balle dans chaque canon : je connaissais trop bien l’Afrique pour leur livrer mon arme, et par-là les exposer à la tentation de s’en emparer en se défaisant du propriétaire. Je prononçai le nom du roi ; ils me montrèrent un sentier que je suivis, et qui me conduisit au village qu’il habitait. Je le vis assis devant sa porte, sous un grand dais de feuillage, qui s’étendait à une vingtaine de pieds de chaque côté, où il se trouvait à l’abri du soleil. On m’apporta un siége de bois de la forme d’un champignon ; après que je me fus assis, mon fusil entre les jambes de peur d’accident, il commença à me parler en bisago et en mauvais créole portugais ; ne le comprenant pas, je ne pus lui répondre. Il me fit apporter du vin de palme pour me rafraîchir ; cette liqueur ne me parut pas agréable parce qu’elle était fermentée. Ne pouvant converser avec le roi, j’examinai sa case, et une de ses femmes y étant entrée, je la suivis. Cette case était extrêmement propre, soigneuse-