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VOYAGES.

de monde ; mais je puis dire aussi : J’y étais et j’ai vu. Voici comment on a basé les calculs qu’on a faits : on a pris un bel épi de mil, on a compté les grains, et l’on s’est dit : Tous ces grains viennent d’une seule graine, donc le terrain produit tant pour un. Mais est-ce ainsi que l’on doit établir des comptes ? Ne pourrait-on pas avec autant de raison, en soutenant l’opinion contraire, dire : Voilà un trou où l’on a jeté cinq grains, un seul pied a levé sans produire de grains : et partant de là, on dirait : graines cinq, produit zéro.

On ne saurait trop prévenir les blancs qui voyagent en Afrique de se tenir en garde contre leurs premières impressions et contre la vivacité de leur caractère ; je citerai ici un exemple qui m’a été raconté par un Diola. Le capitaine d’un navire de guerre vint à terre avec son canot dans le pays des Diolas. Un nègre l’aperçoit et lui dit : « Blanc, viens chez moi, je tuerai une volaille, je te donnerai du lait, du vin de palme et des bananes, tu seras bien reçu ! » Un autre nègre survient, et lui dit à son tour : « Blanc, viens avec moi, soit mon hôte, je puis te donner tout ce que mon camarade t’offre, et je tuerai de plus une chèvre. » Pour le mieux déterminer, les deux interlocuteurs le tiraient chacun par un bras. Le capitaine, fort embarrassé, ne comprenant point ce qu’on lui disait, et voyant beaucoup de nègres se rassembler, ne sut à quoi attribuer l’espèce de violence qu’on exerçait envers lui ; il prit ces politesses, auxquelles il était peu habitué, pour des témoignages qui cachaient