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CORRESPONDANCE ET VARIÉTÉS.

maladie et sur l’aspect qu’a présenté, pendant l’année dernière, l’état sanitaire de la Russie, pourra servir à démontrer qu’il eût été possible d’élever alors des barrières insurmontables au choléra-morbus.

Dans le cours de son incursion, on le voit partout se propager chez des populations nouvelles, par la communication des individus, le transport des denrées et l’inobservation des réglemens préservateurs. Il apparaît à Astrakan, vers l’été de 1823, importé par des caravanes venues de l’Inde, en traversant la Perse. Aussitôt des mesures sévères et bien entendues sont arrêtées par une administration clairvoyante. Un médecin actif, éclairé, entreprenant, le docteur Rehmann, demande des pleins pouvoirs : il se fait fort de circonscrire le mal et de l’empêcher de sortir d’Astrakan. On le laisse agir ; il tient sa promesse. La maladie semble éteinte ; elle n’était qu’assoupie. Cependant on néglige les précautions d’abord prescrites ; le mal reparaît plus tard. On le comprime encore ; mais il n’y a plus d’ensemble dans les mesures, et l’autorité qui doit veiller au salut du pays n’est plus concentrée dans des mains aussi prévoyantes. Dès lors, le mal n’étant plus contenu par des liens suffisans, s’échappe et se répand de toutes parts. Les quarantaines qui doivent préserver les localités saines ne sont d’abord établies que dans des lieux infectés : la contagion les précède à Saratov, à Nijnei, dans le Caucase, en Crimée ; le service sanitaire ne s’organise pas pour prévenir : ce ne sont plus des cordons pour arrêter le mal, mais seulement des ambulances pour traiter les malades. À Moscou même, malgré l’importance de cette seconde capitale de l’empire, malgré la marche régulière du fléau qui s’avance progressivement vers elle, on semble, jusqu’au dernier moment, n’en pas croire l’irruption possible, et l’on ferme les portes que quand il est déjà dans la ville ; encore faut-il la présence du souverain lui-même pour que les lignes, tardivement posées, soient maintenues. Elles le sont, grâce à l’empereur. Dès ce moment, la maladie, confinée dans l’intérieur, ne sort plus des barrières : malgré