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VOYAGES.

telle patronne, sans s’offenser de la momerie de ceux qui l’affublèrent avec tant d’extravagance ?…

Bien que bâtis avec des cañasta ou tiges de bambou, les clochers des églises sont élevés et surchargés de cloches. Le plâtre qui forme à leur surface une couche épaisse, git en abondance dans les vallées des Cordillières : excellent par la ténacité et le liant de ses molécules, il reçoit facilement les moulures et les impressions qu’on lui donne pour simuler les corniches et les ressauts des pierres taillées. En gravissant dans ces clochers, on les sent vaciller sous les pieds. Ce même phénomène est bien plus sensible lorsque les cloches sont mises en branle, et l’on conçoit que ce genre de construction, qui leur permet de suivre l’ondulation du sol, est d’un avantage inappréciable lors des tremblemens de terre, si fréquens au Pérou, et qui plusieurs fois ravagèrent Lima d’une manière si désastreuse, notamment en 1678 et en 1682.

Les mœurs et les usages d’un pays à quatre mille lieues de la France, modifiés par l’influence d’un climat brûlant, par l’ignorance et le fanatisme, surtout par l’abondance d’un métal avec lequel on se procure toutes les jouissances de la vie, doivent naturellement être en opposition avec nos idées. Qu’on ajoute à cela les guerres civiles qui ont long-temps ravagé le Pérou, et l’on concevra aisément que le tableau que je trace, loin d’être exagéré, est encore au-dessous de l’exacte vérité.

La population est évaluée à soixante-dix mille ha-