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TERRE-NEUVE.

caribous. L’île entière est coupée de tous côtés par leurs sentiers, qui sont aussi bien tracés que s’ils avaient été faits par des hommes ; ils viennent des bois et conduisent presque tous à des marais, à des étangs ou à des ruisseaux. La seule pièce que je tuai fut une outarde ; je la tirai à balle, à grande distance, posée : quelques plumes furent arrachées ; elle s’envola assez haut, mais tout à coup elle tomba comme une masse dans un précipice qui descendait jusqu’à la mer, se frappant de roche en roche, et je ne fus pas tenté d’aller la chercher. En regardant en bas, les embarcations des pêcheurs paraissaient de petits points noirs.

Nous fûmes pendant trois tours en proie aux moustiques : quand je voulais manger, je me mettais dans la fumée de notre grand feu, je relevais un coin de mon voile, et passais dessous ma cuillère, qui en général était déjà à moitié remplie de ces infâmes bêtes. Enfin, à neuf heures du matin, le quatrième jour, nous vîmes arriver, à travers la brume, les chaloupiers qui venaient nous chercher. Nos mines et nos tournures excitèrent d’abord leur gaîté, mais au bout de quelques minutes, les moustiques leur donnèrent assez d’occupation pour leur ôter l’envie de rire de notre misère. Nous mîmes le feu au bois, à la cabane, à tout ce qui voulut brûler, et nous partîmes. Notre retraite fut difficile, mais s’effectua sans accident à travers les cascades, les mousses profondes, les rochers qui roulaient à nos pieds et sur nos têtes. La chaloupe poussa au large au