Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
ESQUISSES MORALES.

ture des betteraves ou sur l’éducation des jeunes personnes.

Et cet homme ne manquait originairement ni de moyens ni de qualités. S’il se fût voué à un art, à une carrière spéciale, il aurait pu s’en tirer avec honneur et distinction ; mais il a voulu tout faire, il n’a rien fait de bien, et il a fini par faire le mal. Funeste exemple !… que beaucoup de gens s’empresseront de suivre, fascinés par je ne sais quelle magie, mordus de je ne sais quelle rage, car les principes et les hommes vicieux se propagent et se multiplient d’eux-mêmes comme les herbes vénéneuses, tandis que le sage et la sagesse sont là comme des modèles qu’on admire encore, mais qu’on ne copie guère. Peut-être est-ce moins amusant : c’est surtout moins facile. Et puis il en est toujours de l’ordre moral comme de l’ordre physique ; une seule loi régit l’univers. Or, les plus horribles maladies sont contagieuses ; la santé ne l’est pas. Un homme se porte à merveille, je lui en fais mon compliment ; mais il n’en fait profiter qui que ce soit : un pestiféré donne la peste à tous ses amis et à tous ceux qui l’approchent. C’est que le mal seul est épidémique. — Pourquoi cela ? — Ah ! pourquoi ? Demandez-le à tout le monde, et personne ne vous le dira. Peut-être le saurons-nous un jour là haut… si nous y allons. — Tachons d’y aller.

Voyez comme Dieu, aux jours de la création, a divisé les élémens, attribué des propriétés diverses à chaque plante, à chaque minéral, à tout ce qui germe ou végète ; voyez comme il a doué d’un instinct caractéristique chacun des animaux qui parcourent la terre, les eaux ou les airs ! Tout se tient, tout se lie dans la nature, et rien ne se confond. C’est une chaîne immense, non interrompue, dont chaque anneau, large ou étroit, occupe éternellement la place qui lui fut assignée ; merveilleux ensemble d’innombrables parties, prisme incommensurable où s’harmonisent à l’œil des millions de couleurs et de nuances, symphonie intarissable qu’alimentent sans cesse des légions d’instrumens combinés, mêlés, enchevêtrés, et dont l’oreille distingue chaque voix et perçoit chaque note ! grand tout qui existe par la spécialité !