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ALBUM.
LETTRE SUR LE SALON.

Mon cher Ami,

Vous me priez de vous faire part de l’impression que m’ont fait éprouver les tableaux exposés cette année au Salon. La tâche est difficile ; sans être moralement épicier, je ne suis ni peintre, ni même amateur : je vais au Musée tout bonnement pour y chercher des émotions comme au spectacle. J’achète le livret pour savoir envers quel artiste je dois être reconnaissant. Je m’associe aux drames et aux comédies de la vie. Je ne suis donc, comme vous voyez, d’aucune école, d’aucune coterie. Peut-être ai-je un peu le sentiment du vrai. Bien des fois j’ai versé de douces larmes devant telle ou telle composition. Horace a révélé en moi de douces sympathie ; Gros m’a conduit sur les champs de bataille d’Eylau et d’Aboukir ; c’est à Jaffa que j’ai vu, pour la première fois, le grand homme, et que je l’ai entendu parler. Girodet m’a fait assister au convoi d’Atala ; Charlet m’a emmené avec lui dans les cantines, et j’ai donné avec son vieux grenadier de l’argent à sa famille indigente. Gudin m’a fait souvent faire de bien mauvaises traversées ; Girodet, Prudhon, Scheffer et Delacroix m’ont bien des fois associé à leurs poétiques compositions. Je préfère à tous, vous le savez, mon cher ami, les artistes qui font de la peinture avec leur cœur. Je ne vous parlerai donc que de ceux dont les ouvrages m’auront ému.

La galerie d’Apollon sert cette fois de salle d’introduc-