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ALBUM.

les parfums d’un avenir désiré qu’ils ne verront pas ; ils sont à la fois inspirés et dévorés ; génies sereins et mélancoliques, nobles victimes, grands prêtres augustes de l’humanité progressive. Ils ont de rudes angoisses, des délices anticipées, des pensées difficiles qu’ils ont peine à rendre avant de mourir, mais qui, une fois énoncées, les rendent immortels dans la mémoire des âges. M. Ballanche est l’un de ces hommes.


Théâtre de l’Opéra. — Première représentation du Philtre, paroles de M. Scribe, musique de M. Auber.

Qui croirait que, dans un temps où la franche gaîté est presque exilée de tous lieux, elle eût trouvé un refuge à l’Opéra, à la grave Académie royale de Musique ! Cela seul est une nouveauté. Le Philtre est une jolie bluette, une légère composition lancée en avant-garde pour faire attendre des ouvrages plus importans dont s’occupe l’administration. Le sujet en est fort simple. La scène se passe sur les bords de l’Adour ; au lever du rideau, le théâtre est inondé de villageois au pittoresque costume basque. Guillaume, garçon de ferme, aime Thérésine, jeune et jolie fermière, tant soit peu coquette, qui désespère le pauvre garçon en écoutant les doux propos du sergent Joli-Cœur. Pour vaincre l’indifférence de Thérésine, Guillaume, qui vient d’entendre l’histoire du boire-amoureux du beau Tristan de Léonnais, s’adresse au charlatan Fontanorose, qui arrive dans le village au son des trompettes et des cimbales. Ce philtre, qui n’est autre chose qu’un flacon de bon vin, redonne du cœur et de la gaîté à Guillaume : il est sûr d’être aimé, il déjeune avec appétit, et chante de joyeux refrains. Étonnée d’un changement si subit, Thérésine promet de donner sa main au sergent-recruteur dans huit jours ; Guillaume ne s’en inquiète pas, le philtre aura produit son effet avant ce temps. Mais