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LITTÉRATURE.

C’était un petit éléphant blanc, de la moindre taille, qui passait avec un trot rapide et alongé : un homme paraissait assis sur son dos, au milieu de plusieurs fardeaux élevés ; douze autres hommes couraient à ses côtés, un enfant était couché sur sa tête. Après avoir fait le tour des statues, l’éléphant fut arrêté par son guide entre ces deux colosses, et vers le socle du plus grand, qui a soixante pieds de haut, et dont sa trompe n’atteignait pas le pied. Une petite lumière rougeâtre brillait sur le sable ; elle éclairait l’intérieur d’une tente arabe plantée sur quatre piquets, et couverte de peaux de chèvres. Ce toit nomade s’appuyait contre la base immortelle et pesante de la statue de Memnon, et s’élevait à peine à la moitié de son piédestal ; les deux pieds réunis du colosse paraissaient comme un double dôme sur la tente qu’ils ombrageaient. À quelques pas, une longue lance était plantée dans le sable ; un large anneau de fer passé dans le bois de cette pique ployante, et balancée comme un jeune arbre, retenait la jambe d’un beau cheval, qui se mit à hennir en secouant sa crinière et frappant la terre de son pied libre. L’odeur et l’aspect de l’éléphant l’avaient effrayé, et l’influence qu’exerce l’approche de ce puissant animal sur tous les autres fut communiquée à deux chameaux, qui, se levant par saccades, passèrent leurs longs cols par-dessus la petite tente, et firent de vains efforts pour briser les licols qui les attachaient à des débris de monumens. Cet effroi ne jeta aucun trouble sous le toit des hommes ; personne ne parut hors de la tente, et le nouveau venu, après s’être laissé glisser sur le flanc de l’éléphant agenouillé, et l’avoir fait conduire à quelque distance par les hommes de sa suite, entra seul dans la tente. Il souleva le tissu de peau de chèvres qui la formait, et demeura debout sur le seuil sans entrer. Il vit alors ceux qu’il semblait être venu chercher, un homme et une jeune femme, placés en face l’un de l’autre, et dans la même attitude. Un vieillard grave était, non pas assis, mais ployé, les jambes croisées, sur le tapis qui régnait dans toute la tente, et fumait une longue pipe dont le tuyau formait autant de cercles et d’anneaux que le corps