Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
LITTÉRATURE.

comme tout ce qui émane du génie, aussi vraie aujourd’hui et aussi belle que ce soir-là, quand, d’une voix émue et encore palpitante de la création, il nous la récitait, à quelques amis, au sein de l’intimité. Depuis lors, le trône qui conservait une ombre de droit, et auquel M. Victor Hugo s’était rattaché de bonne heure, a croulé par son propre penchant, et le poète, en respectant la ruine, n’a pas dû s’y ensevelir. Il a compris l’enseignement manifeste de la providence, l’aveuglement incorrigible des vieilles races, et il s’est dit qu’à l’ère expirante des dynasties succédait l’ère définitive des peuples et des grands hommes. Long-temps mêlée à ces orages des partis, à ces cris d’enthousiasme ou d’anathème, sa jeunesse n’avait pourtant rien à rayer de son livre ni à désavouer de sa vie ; le témoignage qu’il se rendait dans la pièce citée plus haut, il peut le redire après comme avant ; nul ne lui contestera ce glorieux jugement porté par lui sur lui-même. Pour nous, il nous a semblé que dans ce grand dépouillement du passé, qui se fait de toutes parts et sur toutes les existences, c’était peut-être l’occasion de confier au public ce que depuis long-temps nous savions de la vie première, de l’enfance, des débuts, et de l’éducation morale du poète, notre ami, dont le nom se popularise de jour en jour. Notre admiration bien connue pour ses ouvrages nous dispense et nous interdit presque de l’aborder uniquement de ce dernier côté. Le rôle de simple narrateur nous va mieux, et ne mène pas moins directement à notre but, qui est de faire apprécier d’un plus grand nombre notre célèbre contemporain. Littérairement, d’ailleurs, nous nous sommes dit, qu’écrire ces détails sur un homme bien jeune encore, sur un poète de vingt-neuf ans, à peine au tiers de la carrière qu’il promet de fournir, ce n’était, pour cela, ni trop tôt ni trop de soins ; que ces détails précieux qui marquent l’aurore d’une belle vie se perdent souvent dans l’éclat et la grandeur qui succèdent ; que les contemporains les savent vaguement ou négligent de s’en enquérir, parce qu’ils ont sous les yeux l’homme vivant qui leur suffit ; que lui-