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RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.

non par haine pour la royauté, mais par amour pour l’indépendance, par amour pour les folles joies, pour les vives clameurs. Le Palais-Royal, c’est une espèce de forum qui veut être ouvert à toutes les heures de la nuit et du jour ; il a en horreur les gardes vigilantes, les grilles fermées, les consignes extraordinaires ; le vieux club était mal à l’aise de savoir qu’un roi pouvait se promener à volonté au-dessus de sa tête, dans les jardins d’orangers que le duc d’Orléans avait suspendus dans les airs. Donc, c’est là une révolution mémorable. Un roi bourgeois qui déménage, ses jeunes filles rieuses qui posent timidement le pas sur le seuil formidable des Tuileries, interrogeant l’écho d’une voix tremblante, pour savoir, avant d’entrer sous ce dôme couvert d’un crêpe, si les rois évanouis ne vont pas revenir. Révolution double au Palais-Royal, qui redevient foule ; au château des Tuileries, qui abrite une royauté de plus. Royauté étrange et nouvelle, après tant d’étranges et nouvelles royautés ! Ajoutez que cette révolution a été consacrée même par un nom nouveau : par ordre supérieur, on ne dit plus le Château des Tuileries, on dit Palais des Tuileries : le château appartient aux rois de droit divin, le palais est fait pour les rois du peuple. À chacun sa modestie : le Roi des Français ne veut pas son château des rois de France. Il y a là une figure de rhétorique assez ambitieuse dont vous trouverez le nom dans Dumarsais ; je crois, au reste, que cela s’appelle une métonymie.

La révolution de la Chambre des Députés n’est pas digne de moins d’intérêt. La vive discussion sur la pairie a fait surgir bien des célébrités, a enfanté bien des discours ! Surtout une révolution majeure s’est opérée chez M. Thiers. Vous savez tous quel fut M. Thiers : d’abord hardi révolutionnaire, implacable historien, dont le fatalisme était la seule doctrine, justifiant Marat, Robespierre et Danton, comme un savant de notre siècle justifierait Étienne Dolet, brûlé par l’inquisition ; puis publiciste acharné, rédacteur du National, que sa disparition eût tué absolument, si M. Carrel ne se fût trouvé là avec plus de cœur et de courage, avec autant de verve et d’esprit ; puis sous-ministre des finances, défendu par M. Lafitte, mal écouté par la Chambre, raillé et moqué à tout propos. Admirez la révolution ! M. Thiers n’est plus le même homme. Il n’est plus l’historien fataliste ; il n’est plus l’intrépide joûteur libéral ; il n’est plus l’écrivain du National. Reste seulement M. Thiers le député du centre ; M. Thiers le contre-révolu-