Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.

Bérengère, c’est la femme jalouse de tous les âges. L’instant où elle pousse le Sarrasin dans la chambre de son époux est horrible. Il faut toute la puissance de l’auteur pour avoir fait passer ce poison, ce poignard, ces cadavres classiquement entassés, ces flambeaux dans la nuit, tout cet attirail vulgaire, tout l’étonnement consacré de la tragédie vulgaire ; or, tout cela a passé, tout cela a été applaudi. À vous dire vrai, je crois bien que le jeu terrible de Mlle George et son amour passionné, et ses larmes et ses fureurs, et toute la belle tragédie qui accompagne toujours cette grande tragédienne n’ont pas peu contribué au grand succès que vient encore d’obtenir M. Dumas. Quoi qu’il en soit, ce succès est complet et mérité.

Pour ceux qui aiment l’art et qui l’étudient dans ses moindres détails, Charles vii est un fort curieux et fort intéressant spectacle. C’est un pas rétrograde vers les vieilles règles et les vieilles formes, fait volontairement et après mûres réflexions, par un homme qui a tant à se louer des formes nouvelles et de la liberté donnée au drame. Charles vii, avec ses passions d’amour, son unité de lieu, son langage soutenu toujours, son grand vers tout-à fait alexandrin, son coup de poignard, je veux dire ses deux coups de poignard et son flacon empoisonné ; Charles vii portant le nom de M. Alexandre Dumas, l’auteur de Henri iii, de Christine et d’Antony, n’est-ce pas, comme nous le disions tout à l’heure, la plus importante et la plus étonnante révolution de la première quinzaine du mois d’octobre ?

Revue des Deux-Mondes.